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NBA: pourquoi Wembanyama est toujours à l’infirmerie... alors que Lillard a pu rejouer un mois après sa thrombose veineuse

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Damian Lillard, le meneur de Milwaukee, vient de reprendre la compétition un mois après avoir rejoint l'infirmerie à cause d’une thrombose veineuse profonde au mollet. Victime du même souci au niveau de l’épaule droite, Victor Wembanyama, out depuis mi-février, ne sait toujours pas quand il retrouvera les parquets avec San Antonio. Mais pourquoi une telle différence? RMC Sport a posé la question à des spécialistes.

Sa convalescence n’aura finalement pas duré très longtemps. Un peu plus d’un mois, à peine. Damian Lillard a effectué son retour avec Milwaukee dans la nuit de mardi à mercredi lors du premier tour des playoffs NBA. Le meneur des Bucks a participé à la défaite de son équipe sur le parquet d’Indiana lors du deuxième match de la série (123-115), avec 14 points (4/13 aux tirs), 3 rebonds et 7 passes en 37 minutes. La star de 34 ans, qui a pioché physiquement en seconde période, n’avait plus joué depuis le 18 mars en raison d’une thrombose veineuse profonde du mollet droit.

Un problème de santé dont souffre également Victor Wembanyama au niveau de l’épaule droite. Mais contrairement à Damian Lillard, le géant de San Antonio, absent depuis mi-février, n’a pour l’instant aucune date de reprise. Après avoir terminé 13es de la Conférence ouest, les Spurs ne disputent pas les playoffs et n’ont pas vraiment d’urgence à précipiter le retour de leur star. Mais comment expliquer une telle différence entre le cas de Lillard et celui de Wemby?

Des phlébites liées au sang, d’autres liées aux veines

Il faut déjà comprendre ce qu’est une thrombose veineuse profonde. Il s’agit d’une phlébite se manifestant par la formation d’un caillot dans une veine, qui finit par se boucher en raison d’un phénomène de coagulation. La thrombose démarre à un endroit du corps et a tendance à s’étendre, sachant que ses conséquences peuvent être dramatiques si elle atteint le cœur ou les poumons.

Il existe deux types de phlébites: celles liées au contenu (le sang) et celles liées au contenant (les veines). Les premières apparaissent lorsque le sang coagule un peu plus vite que la normale. "Ça peut être dû à des anomalies génétiques ou au fait que, pour des raisons circonstancielles, le sang circule peu à un endroit du corps à un moment donné", détaille le professeur Fabien Koskas, chirurgien vasculaire à Paris. "Si vous êtes par exemple alité pendant plusieurs jours sans bouger, le sang s’accumule dans les jambes, ne circule pas et va coaguler très facilement, jusqu’à entraîner une phlébite. Le sang est un tissu qui ne reste liquide que s’il circule. Prenez un verre de sang, si vous ne touiller pas, ça devient un caillot."

La deuxième sorte de phlébite survient lorsque les parois de la veine, pour une raison ou pour une autre, sont défectueuses. "Si vous avez par exemple un gros cancer à la racine d’un membre, la veine qui doit traverser ce cancer est alors comprimée et ne laisse plus passer le sang. Donc ce qui est en amont circule mal et coagule. Ça débouche sur une phlébite", illustre le praticien.

Les thromboses des membres supérieurs plus sensibles que celles des membres inférieurs

La localisation de la thrombose veineuse est un élément essentiel pour évaluer son importance. "Plus elle est proximale (près du centre du corps), plus elle est grave et plus la guérison est longue", explique le docteur Isabelle Koskas, spécialiste en phlébologie. La situation n’est pas du tout la même si la thrombose se situe au niveau des membres inférieurs ou au niveau des membres supérieurs. Une phlébite profonde de l’épaule, comme celle de Victor Wembanyama, est beaucoup plus sensible que celle contractée au mollet par Damian Lillard.

"Au niveau des membres inférieurs, c’est assez fréquent parce qu’il y a une question de pression hydrostatique. Si vous mesurez 1,80m, il y a une pression de sang dans vos orteils qui fait 1,80m. Alors qu’au sommet du crâne, vous avez zéro", détaille Fabien Koskas. "Les basketteurs sont grands et ils ont souvent des petites anomalies du tissu élastique qui font que le sang stagne facilement. Ils se font régulièrement des claquages et des traumatismes des membres inférieurs qui entraînent des phlébites."

Wemby victime d’un syndrome de la traversée thoraco-brachiale?

Les membres supérieurs, en revanche, ne sont pas impactés par des problèmes hydrostatiques en principe. Le souci est donc ailleurs. Chez les sportifs, il existe une anomalie qui entraîne assez fréquemment des phlébites dans la partie haute du corps: le syndrome de la traversée thoraco-brachiale. Une pathologie dont pourrait souffrir Victor Wembanyama, même si les Spurs n’ont jusqu’à présent donné aucun détail sur sa thrombose veineuse.

"Toutes les structures qui vont du tronc au membre supérieur ou du membre supérieur vers le tronc passent dans un endroit très étroit entre la première côte et la clavicule. Cet espace, qu’on appelle le défilé thoraco-brachial, est naturellement étroit mais dès que vous levez les bras, ça fait comme une espèce de pince entre la première côte et la clavicule, qui vient prendre la veine sous-clavière et la veine axillaire. Jusqu’à les bloquer. C’est très fréquent chez les basketteurs puisqu’ils ont très souvent les bras en l’air. Ça donne beaucoup de phlébites. On les appelle les phlébites d’effort", détaille Fabien Koskas.

Dans ce cas-là, l’enjeu est de "recanaliser la veine". Une entreprise délicate, surtout lorsqu’il s’agit de l’épaule. "Les conflits musculo-tendineux au niveau de l'articulation de l'épaule sont particulièrement complexes", précise Isabelle Koskas. Le moindre problème fragilise d’ailleurs l’ensemble de l’épaule concernée et entraîne aussi des complications de l’autre côté.

Le traitement anticoagulant pas toujours efficace

Pour soigner sa thrombose veineuse profonde au mollet, Damian Lillard a suivi un traitement anticoagulant qui semble avoir rapidement fonctionné. Mais ce n’est pas le cas pour Victor Wembanyama, qui a dû se faire opérer, ce qui renforce la théorie d’un possible syndrome de la traversée thoraco-brachiale. "Quand la phlébite est liée à un obstacle sur la veine, vous pouvez faire tout ce que vous voulez avec le traitement anticoagulant, l’obstacle est toujours là, donc il faut le lever", glisse Fabien Koskas. "On récupère plutôt facilement d’une phlébite du membre inférieur sous traitement anticoagulant. Mais pour une phlébite d’effort lié à un syndrome de la traversée thoraco-brachiale, ça met beaucoup plus longtemps. Il faut déjà vérifier que la recanalisation a bien fonctionné et qu’il n’y a plus d’obstacle. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas."

Pour voir si la thrombose veineuse a bien été soignée, le patient passe généralement une échographie Doppler, qui permet d’explorer le réseau veineux et quantifier les vitesses circulatoires. "Mais le juge de paix le plus important, c’est de voir comment se sent le malade", estime le professeur Koskas. "S’il est capable de reprendre son activité physique et qu’il n’y a plus d’obstacle, surtout chez les grands sportifs, ça se voit tout de suite. Ils vont récupérer plus rapidement que la moyenne, même si ça peut varier énormément d’une personne à l’autre. Il y a des sportifs qui vont récupérer très vite et d’autres qui vont mettre des mois, voire des années. S’ils finissent par récupérer, car ce n’est malheureusement pas certain à 100%..."

Des risques importants en cas de reprise prématurée

La prudence de Victor Wembanyama semble aujourd’hui compréhensible vu les risques encourus en cas de reprise prématurée. S’il revenait trop rapidement sur les terrains, sans que sa phlébite soit totalement guérie, le Français de 2,24m pourrait être victime de douleurs chroniques lors de la suite de sa carrière. Sa thrombose veineuse pourrait également s’aggraver, avec la crainte d’embolies pulmonaires, ou même réapparaître dans le futur. Il est donc primordial d’identifier correctement les causes et le mécanisme de la maladie, pour procéder aux corrections nécessaires. Tant que ce ne sera pas le cas, le natif des Yvelines ne devrait pas reprendre le basket à haute intensité.

Wemby a été photographié cette semaine avec un ballon en main lors de ses vacances au Costa Rica. Il a également participé à un match de foot avec des enfants. La semaine passée, le joueur de 21 ans a donné quelques nouvelles de son état de santé, en laissant planer de gros doutes sur sa participation à l’Euro 2025 (du 27 août au 14 septembre) avec l’équipe de France. "Je peux travailler dur", en salle de musculation et sur le parquet, a-t-il confié. "Même si parfois j’aimerais en faire plus, on suit la logique médicale. Je fais confiance au processus, à l’équipe médicale (…) On prend notre temps. Je ne suis ni avance ni en retard (…) C’est difficile à vivre. Mais ça fait partie de mon boulot de gérer des blessures ou autres. Ça n’a pas été simple d’entendre le diagnostic, mais je suis certain que c’est une expérience dont je vais me servir pour grandir et devenir meilleur."

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport