RMC Sport

Tour de France: Pinot en colère après la bordure, en larmes après l’abandon

placeholder video
Thibaut Pinot a connu un Tour de France mémorable, dans ses exploits comme dans son abandon final terrible. Pour un documentaire en immersion auprès de la Groupama-FDJ durant cette Grande Boucle, France 2 a pu suivre les larmes et le désespoir du Français après sa blessure, les mots rassurants de Marc Madiot mais aussi un coup de gueule mémorable du coureur après la bordure de la 10e étape.

Ce Tour de France ne fut décidément pas banal. Particulièrement pour Thibaut Pinot, qui aura absolument tout vécu, avec le départ en grande forme, la bordure incompréhensible, la sublime victoire au Tourmalet et le rêve de succès final brisé par une blessure.

France 2 diffusait ce dimanche, après l'ultime étape et la victoire finale d'Egan Bernal (Ineos), un documentaire en immersion au sein de la Groupama-FDJ. Au plus près de Thibaut Pinot, en témoin privilégié du désespoir terrible du Vosgien au moment de son abandon

La blessure et l'abandon

La douleur à Valloire

Après l'arrivée de la 18e étape à Valloire, le coureur de 29 ans était en grande souffrance. "Put*** je me suis fait mal, confie-t-il alors à un membre du staff. Je pensais que c'était une contracture au début et puis en bas de la descente, je ne pouvais plus pédaler. C'est horrible." Pas de coup mais une douleur localisée au dessus du genou gauche. Qui lui a fait perdre le sourire.

Une blessure qu'il n'a jamais connue

Pendant les premiers soins, il confie alors ne "jamais avoir eu ça" et sent l'inquiétude grandir. "Le Galibier? Tu as tellement mal aux jambes que tu n'y penses plus tellement. Mais dans les descentes... c'est horrible", se plaint le leader de la Groupama-FDJ. Au dîner, l'équipe n'est pas encore trop inquiète. Le coureur a, lui, perdu le sourire. Le lendemain, le pessimisme est déjà de mise. "Ce que j'en pense? Que c'est toujours pareil, qu'il y a toujours un truc pour me faire chier", regrette Thibaut Pinot, au moment du massage pré-étape.

Dans le bus, les consignes sont claires: "On va partir dans le même état d'esprit que d'habitude et on verra, au fur et à mesure qu'on avancera, résume le directeur sportif Philippe Mauduit. Thibaut, on ne tire pas de plans sur la comète, ni dans un sens, ni dans l'autre. On va voir comment tu vas avancer dans la journée." Il ne tiendra pas, contraint à l'abandon en pleine 19e étape. Celle qui vaudra à Julian Alaphilippe la perte du maillot jaune.

Le discours génial de Madiot

A l'hôtel, l'émotion est dingue entre Thibaut Pinot et Marc Madiot. "Ça n'enlève rien à ce que tu as fait, tente de rassurer le manager général. Allez ça va aller." Le coureur s'effondre en larmes. "Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?, s'insurge-t-il. Tout le temps pareil... C'est fini on arrête, je ne peux plus."

-
- © France 2

"Non, arrête, ne dis pas aujourd'hui ce que tu regretteras demain. Tu as tout bien fait, rien à te reprocher. Continue à faire tout bien et un jour où l'autre, ça va finir par s'ouvrir. Tu n'as pas le droit, t'es un grand, tu ne renonces pas. Tu n'as jamais renoncé, tu as toujours tout surmonté, tout ce qu'on t'a mis sur la gueule. Tu es presque au bout mon grand. On va y arriver, on ne va pas te lâcher. Tu es grand ce soir. Cela dévaste c'est sûr. Mais tu vas te poser, t'exprimer, cela va s'évacuer. Tu l'as en toi ce truc, il n'y a pas 50 mecs qui l'ont en eux. Tu vas avoir raison. C'est normal que tu en aies marre. Tu n'as pas à te cacher ou avoir honte. Tu as tout donné." Un discours fabuleux. 

La suite fut difficile, entre câlin émouvant avec ses coéquipiers et passage obligatoire devant les médias, en toute sincérité. Le rendez-vous est déjà pris pour l'année prochaine.

L'épisode de la bordure

Avant cette fin terrible, Thibaut Pinot avait connu un Tour de France déjà mémorable. Car avant son envolée dans le Tourmalet, avant de battre à la pédale le futur vainqueur Egan Bernal et de faire rêver les foules, le Vosgien avait connu une première désillusion avec cette bordure dans la 10e étape. Elle lui avait coûté 1'40 au général, à cause d'un mauvais choix dans un rond-point. 

"Vous êtes deux dans la voiture, il y a une carte !"

Au moment de regagner le bus de son équipe, le regard noir, le coureur de 29 ans en avait gros sur le coeur. Le premier à en faire les frais se nomme Marc Madiot. "Un rond-point à gauche et on n'était pas au courant! On n'était pas au courant de ce rond-point de merde! On se retrouvait 60e, c'était baisé... Toute la journée dans les 20! Vous êtes deux dans la voiture, il y a une carte!, s'insurgeait Thibaut Pinot. Nous, on ne peut pas être partout! Le rond point, on a fait 100m de plus que tout le monde!" Ce à quoi le manager général, silencieux et le regard baissé, n'a répondu que quelques mots, avec une voix discrète: "Je sais bien mais c'est la course, c'est comme ça."

-
- © France 2

"Anthony, tu étais où?"

Anthony Roux, assis deux rangs plus haut, en a pris pour son grade. "Anthony, dis-moi, tu étais où aujourd'hui?!, l'a interpellé Pinot. William (Bonnet) a fait 100 bornes dans le vent, Stefan (Küng) a fait 100 bornes. Il restait 20 bornes. La seule fois où on n'est pas placés... la seule fois! On a frotté toute la journée. C'était nul, nul, nul aujourd'hui."

Marc Madiot a finalement remobilisé les troupes, malgré un coureur fataliste. "Vous avez des bonnes cannes. On a bouffé un joker, ce n'est pas fini", insiste-t-il. "Il n'y a pas de joker, répond Pinot. Si, c'est fini." Avant le dernier mot du manager: "Ce n'est pas fini. Pourquoi ce serait fini?"

De retour à l'hôtel, à froid, Thibaut Pinot a remis ça avec Philippe Mauduit, directeur sportif de l'équipe. "Vous n'avez pas été bons hein, insiste le coureur. Ça frotte, on est 80 dans un virage. On prend la première bretelle... Comment vous voulez savoir que cela fait tout le tour! il fallait nous le dire, pourquoi vous ne nous l'avez pas dit?!"

"Parce qu'on n'avait pas l'info", justifie Mauduit. "Bah vous aviez la carte!, reprend Pinot. on a fait 200 bornes dans les 20 premiers. Collectivement, on est zéro." C'était avant l'envolée magnifique, avant aussi la chute cruelle. Un Tour hors normes.

A.Bo