OL: Rayan Cherki, et si il décollait enfin?

Chouchouté par Jean Michel Aulas depuis ses premiers pas à l’Académie, tancé et peu apprécié par Peter Bosz, Rayan Cherki semble désormais lancé sur la trajectoire attendue, grâce au duo Laurent Blanc (qui lui fait confiance) et Bruno Cheyrou (qui lui parle régulièrement). Grâce aussi à de nouvelles postures personnelles prises alors que les 20 ans qui se profilent – il les aura le 17 août prochain - lui ouvrent les yeux sur les us et coutumes indispensables du très haut niveau vers lequel son talent peut (doit ?) le conduire.
Sollicités, son entourage familial et son conseil, l’avocat Olivier Martin n’ont pas donné suite à une demande d’entretien pour analyser l’actuelle mutation du prodige annoncé depuis son entrée à l’Académie de l’OL à Meyzieu. Mais RMC Sport vous détaille quelques clefs de compréhension d’un phénomène de précocité, qui semble débuter son ascension comme en témoigne son début 2023 convainquant, à l’image de l’enchaînement des titularisations (11/12 matches depuis la reprise post coupe du Monde), couronné par son match réussi face à Lens (1 but et 1 passe décisive).
Jean-Michel Aulas: Un soutien indéfectible dans le "gone"
A chaque étape de l’évolution contractuelle de Rayan Cherki, la formule revient en boucle: "il ne faut jamais oublier que c’est un dossier présidentiel", lance-t-on dans les bureaux de Décines, au siège du club. Comprenez: tout se finira par la signature … Car Jean Michel Aulas voit dans le "Gone" un avenir en majuscule dans "son" club dont il a découvert l’Académie à 7 ans en 2010 après un passage d’une saison à St-Priest. Et toujours, le boss de l’OL déploiera des trésors d’énergie et de patience pour accorder les violons: cela se vérifie dans les semaines qui précèdent la signature de son premier contrat le 7 juillet 2019 quand Manchester United, notamment presse de toute part pour le transférer en affrétant même un avion privé qui attend sur la piste de décollage de Lyon-Bron … C’est encore (et plus) le cas au printemps-été 2022 quand il hésite à prolonger à l’OL, alors qu’il lui reste qu’un an de présence au club (jusqu’en juin 2023 à l’époque): il multiplie les réunions en visio-conférence avec le joueur, son entourage, son conseiller juridique pour trouver une solution contractuelle dans un contexte où l’entraîneur du moment, Peter Bosz ne croit pas à son épanouissement. En contact permanent avec sa maman (Abla) et son papa (Fabio, employé au club), il ne cessera jamais d’entretenir et d’enrichir cette confiance réciproque, née dès l’arrivée à l’Académie.
Le départ de Peter Bosz: Heureusement qu’il y avait l’équipe de France espoir
Quatre titularisations en 33 présences dans le groupe au cours du bail de Peter Bosz entre juin 2021 et octobre 2022! Les chiffres en disent long sur l’épaisseur de la confiance accordée par le technicien batave à Rayan Cherki. Comme d’autres habitués du centre d’entraînement, son côté individualiste et soliste, qu’il a aussi entretenu avec des sorties en U19 qui ont irrité même en haut lieu, l’insupporte. Peter Bosz répond d’ailleurs souvent agacé quand les conférences de presse ramènent les échos des propos post-match chez les Espoirs où Rayan Cherki, souvent titulaire, affiche de jolies ratio (7 matches, 4 buts et 2 passes décisives) alors qu’il doit se contenter de miettes en club. Ainsi, en septembre 2022, face à la Belgique où il délivre deux passes décisives en entrant à la mi-temps, il s’avance cash devant les journalistes: "Je me dis que mon heure viendra à un moment ou un autre. Je suis patient, même si l’impatience comme à se faire ressentir."
Peter Bosz lui répond quelques heures après: "Je sais qu'il est très populaire, c'est super pour les supporters et Rayan. Moi je regarde avec qui on peut gagner des matchs. C’est mon repère. Si je pense que c'est avec lui, il va jouer. Si je pense qu'on a plus de chance de gagner avec un autre joueur, ce sera l’autre joueur."
Rayan Cherki sera d’ailleurs titulaire le match suivant à Lens, la seule fois cette saison avec Peter Bosz qui sera… renvoyé deux semaines plus tard. Peu utilisé à l’OL où il doit prouver sur un laps de temps court ses qualités, ce qui le bride, il fait preuve de résilience et d’un peu plus de légèreté dès qu’il enfile le maillot bleu. D’être sélectionné chez les Bleuets lui permettra à chaque fois de se plonger dans une bulle d’oxygène bienfaitrice et bienvenue.
Bruno Cheyrou: il lui a redonné confiance par un discours régulier et direct
En privé ou dans les conférences de presse, le patron du recrutement de l’OL n’a pas de mots assez forts pour décrire Rayan Cherki: "dans la génération 2003, il n’y en pas beaucoup comme lui, exceptionnel et unique", explique celui qui a l’œil sur les talents qui sortent du lot en Europe. Ce côté "Harlem globe trotter, perso’ pour amuser le stade, je peux comprendre que pour certains, c’est un frein dans l’analyse et peut-être qu’au club, à force de le voir multiplier les roulettes excessives et inefficaces, certains avaient perdu confiance ou la foi. Moi, en scrutant des joueurs à travers l’Europe, j’ai ce recul qui me permet de voir ce qu’il a en plus." Alors, quand les discussions s’éternisent au début de l’été sur sa prolongation, Bruno Cheyrou sort un argument qui fait mouche: "S’il était à Nice, Valenciennes ou dans un autre club, on ferait tout pour le recruter. On l’a chez nous. Il faut aller au bout et voir à moyen et long terme avec lui. Ayons confiance en lui."
Il croit tellement en lui, que même face à un patron du sportif – Peter Bosz – qui ne le considère pas encore prêt, il bataille, quitte à le froisser. Au final, Bruno Cheyrou se glisse dans les traces des conseils du joueur qui entendent inclure un nombre de "titularisations" à la place de "participation" pour enclencher une éventuelle prolongation d’une année. Le détail compte: "quand on met un cliquet de basculement à "titulaire", c’est qu’on souhaite que le travail de la semaine paie le week-end. Cela souligne aussi qu’il est pris en compte", décrypte un spécialiste, habitué à surfer avec les subtilités de la langue (juridique) française. D’ailleurs, au premier jour de février 2023, le "cliquet" fonctionne. Il est désormais lié jusqu’en juin 2025 avec l’OL.
Il faut pour cela manier la carotte et le bâton: "Lors de notre première discussion, il me dit qu’il doit jouer en n°10, se souvient Bruno Cheyrou. Un peu direct, je lui rétorque: fait déjà en sorte d’être titulaire. Es-tu capable de prendre ce temps de jeu? C’est ta première question et ton premier job: prends du temps de jeu à l’importe quelle place. Je lui ai parlé en vérité." Comme ce soir de match amical lors de la préparation en pleine Coupe du monde à Dubai, où Rayan Cherki avait fait … "du Rayan" en privilégiant le spectacle en tentant (et ratant), une panenka dans une séance de tir au but: "Nous sommes restés longtemps à discuter, se souvient Cheyrou. C’est mon rôle de lui parler ainsi et je sais que je vais devoir le faire souvent et plus qu’avec les autres. J’assume. Mais si j’avais 11 Rayan dans l’équipe, je n’aurais pas assez des 24h des 7 jours de la semaine ... mais le jeu en vaut la chandelle."
La méthode? "Il faut être juste et honnête, résume Cheyrou. Lui dire ce qui va bien mais aussi ce qui va mal, avec la même rigueur d’analyse. Il faut insister sur l’efficacité. Il doit varier ses derniers gestes : face à Brest, il accumule les trois mêmes situations dans la surface. Si au moins, sur une, il tire plus tôt, sur les suivantes, il sera décisif…"
Laurent Blanc: Il l’a (aussi) recadré … puis recentré!
"S’il faut se prendre la tête avec lui…" Dès son premier mois à la tête de l’OL, Laurent Blanc trouve une formule choc pour bien montrer que s’il compte sur lui, il ne lâchera jamais "ce gamin qui a un talent fou mais qui ne fait pas toujours les efforts au bon moment." Ainsi, le 10 février dernier, alors que Rayan Cherki concrétise (enfin) les espoirs sur le terrain, "le Président" ne se perd pas en compliments: "Ah mais lui aussi il faut qu’il comprenne certaines choses! Le football ne se joue pas arrêté, le football se joue en mouvement, le football n’est pas qu’avec le ballon… Alors lui et d’autres hein! Mais lui il aime le ballon, il sait bien l’utiliser. Si vous avez du talent et que vous jouez au tennis, ça ne concerne que vous. Mais si vous avez du talent dans une équipe de football, il faut que vous mettiez ce talent au service de l’équipe. Autrement ça ne sert à rien…" C’est cash mais venant d’un technicien, reconnu et charismatique, il imprime durablement.
Après ces recadrages en règle, Laurent Blanc le recentre aussi dans le jeu où le grand mouvement du mercato de janvier 2023 avec les départs de Romain Faivre, Karl Toko Ekambi, Tete et Jeff Reine-Adelaïde lui fait de la place. Sans oublier le déclassement d’Houssem Aouar qui perd de son aura entre blessures et faux-départ à répétition. Le malheur de l’un fait le bonheur (et la place) de l’autre. Il débute ainsi 11 des 12 matches de l’après Coupe du monde: "En enchainant, il comprend les codes de l’exigence du haut niveau, décrypte Bruno Cheyrou. Et le discours positif de Laurent Blanc, lui donne cette confiance. On le sent plus assuré." Et décisif comme face à Lens, le 12 février dernier.
L’entente avec Lacazette: un duo aimanté
Comme à chaque fois, Rolland Courbis détaille, avant les autres, les clefs d’une rencontre. Ainsi, dans l’avant-match de l’OL à Auxerre, vendredi dernier, "Coach Courbis" a bien noté l’absence sur blessure du capitaine lyonnais et il s’interroge: "je suis curieux de voir Cherki sans Lacazette ce soir." Résultat: Rayan Cherki a semblé perdu, sans repères et a manqué son rendez-vous bourguignon où son équipe, à son image, n’est que l’ombre d’elle-même (2-1). L’un va-t-il sans l’autre? Statistiquement, ce n’est pas aussi fluide: 1 seule passe décisive du plus jeune à son ainé. Mais là n’est pas l’important à l’instant T, car au cours des huit rencontres débutées ensemble, c’est le langage corporel qui saute aux yeux: "les deux se cherchent en permanence sur le terrain, les incessants replacements du capitaine en "leader d’efforts" dictent la conduite à tenir à Rayan qui l’imite dans ce type de mouvements qu’il faisait peu auparavant", résume un proche du staff. Connectés, les deux lyonnais se complètent dans une tradition "lyonnaise" de transmission d’un pensionnaire de l’Académie à l’autre: "Nous avons une relation qui dépasse le foot, explique Rayan Cherki après le match réussi face à Lens. On s’aime bien et on s’entend bien. Je joue pour lui et lui, pour moi. C’est tout bonus. Je me sens bien, j’ai la confiance du coach, de mes coéquipiers, je suis en forme. Quand c’est comme cela, on ne peut que faire de bonnes choses."
Rayan Cherki: une forme de maturité se dessine
Star des suiveurs de l’OL (notamment sur les réseaux sociaux qui partagent à gogo ses buts et gestes spectaculaires), il monopolise l’attention sur internet et sur les terrains de Meyzieu, site de l’Académie depuis au moins une dizaine d’années. De quoi lui faire perdre quelques réalités collectives et le faire devenir un poil… "attachiant" alors que le gamin reste très attachant, poli, grâce à son environnement proche, présent, protecteur et attentif. Car il faut pouvoir résister, lui qui est embarqué dans une précocité jamais démentie: né le 17 août 2003, il est le plus jeune buteur de la Youth League à 15 ans et 33 en septembre 2018, signe son premier contrat professionnel à moins de 16 ans, le 7 juillet 2019, apparaît en Ligue 1 à 16 ans et 2 mois en octobre 2019 et en demi-finale de Ligue des champions en août 2020 face au Bayern Munich, alors qu’il n’a pas encore 17 ans.
"‘Le pire’ qui lui est arrivé, c’est ce match de Coupe de France à Nantes à 16 ans et 154 jours, le 18 janvier 2020, se souvient Bruno Cheyrou. Pour son 1er match professionnel titulaire, il marque deux buts et offre deux passes décisives. Tu penses que tout est arrivé et que ce sera toujours comme cela. Tu penses que c’est normal, logique, naturel." La traversée du désert sous Peter Bosz lui fait par ailleurs comprendre qu’il doit en faire plus.
Et puis, le temps fait son œuvre: il va sur ses 20 ans et prend de la maturité. Ses coéquipiers apprécient: "Il a trouvé un jeu où il est beaucoup plus simple dans ses prises de décision, dans ses choix, juge de l’intérieur Anthony Lopes. Je pense qu’il est en train de franchir un cap oui, mais il faut qu’il reste toujours en alerte. C’est un très bon gamin et il le mérite." Désormais, même un match raté (à Auxerre), les cadres "acceptent": "Cela fait partie de son apprentissage et je sais qu’il a compris désormais au fait qu’il lève plus la tête sur le terrain, c’est un signe", rapporte un coéquipier expérimenté. Il a aussi professionnalisé son approche là où il pensait que le foot n’était qu’amusement: il recrute ainsi un cuisinier qui l’aide dans sa nutrition au cours de l’été 2022.
Mais "à Auxerre, il est retombé dans ses travers, tranche Bruno Cheyrou. Il faut admettre qu’on sera encore longtemps agacé par ses roulettes et autres facéties qui n’amènent rien. En y aura d’autres des moments où on va pester, s’arracher les cheveux. Mais moi, je veux voir le verre à moitié plein. Maintenant, il doit passer ce cap de potentiel à performance, de l’éternel espoir à celui à qui on donne les clefs du camion."