Coupe du monde 2022: les joueurs lèvent-ils le pied avant le Mondial?

Le mea culpa très tardif de Sepp Blatter pour avoir octroyé l’organisation de la Coupe du monde au Qatar (20 novembre-18 décembre) n’y changera rien. Pour la première fois de l’histoire, la compétition aura lieu en hiver pour des raisons climatiques (il aurait fait des températures intenables en été) et cela change beaucoup de choses. Toutes les compétitions de clubs en Europe vont s’arrêter le week-end prochain pour un mois et demi au moins. Les sélections, elles, n’auront qu’une semaine de préparation contre un mois habituellement. Cet enchaînement express change aussi la donne pour les joueurs partagés entre leur engagement en club et la crainte de se blesser avant le Mondial. Avec des délais aussi serrés, une blessure est quasiment synonyme de forfait.
Ancelotti n'y voit pas une raison de la contre-performance du Real
Ces dernières semaines, certains lèvent un peu le pied. Ce fut notamment le cas lundi soir chez plusieurs internationaux du Real Madrid, battu sur le terrain du Rayo Vallecano. Aurélien Tchouaméni s’est montré assez effacé même si Carlo Ancelotti, fin diplomate, a balayé l’idée d’un relâchement pré-Mondial.
"Je ne pense pas que ce soit à cause de ça, a expliqué l’Italien. Nous ne sommes pas frais parce que nous avons joué beaucoup de matchs. Nous n’étions pas été frais, nous ne sommes pas aussi bons qu'avant, mais c'est normal. Le championnat est très long. Ce n'est pas un problème physique. Nous avons eu des problèmes de stratégie. Je n'ai aucun problème à mettre de longs ballons et je pense que nous aurions dû le faire plus d'une fois."
Christophe Galtier, entraîneur du PSG, a moins manié la langue de bois après la victoire du PSG à Lorient (1-2) dimanche dernier. S’il a loué l’engagement total de Neymar, il a remarqué une timidité inédite chez certains de ses internationaux. "La question de la Coupe du monde n’a pas eu d’influence sur la prestation de Neymar, mais elle a pu en avoir sur d’autres, certains qui sont revenus de blessure récemment et qui ont été en dedans, a convenu le technicien. Automatiquement, la Coupe du monde est dans la tête des joueurs. C’est dur à gérer pour eux. Il y a toujours une information qui peut les faire douter. Vous avez la sensation de jouer à 100%, mais aujourd’hui j’ai vu une certaine retenue, liée à la fatigue, plus l’annonce des sélections dans quelques jours. Dans ce contexte il y a un effort qu’on fait un peu moins, on est un peu craintifs sur des duels. Voilà… Mais la fatigue a aussi fait qu’en deuxième mi-temps c’était difficile."
Une semaine à deux matchs en Serie A et Bundesliga
Le rythme indécent imposé aux joueurs depuis le début de saison pour caser tous les matchs dans un calendrier incompressible explique aussi cette baisse de régime soudaine. Alors, certains - et c'est humain - usent peut-être d’artifices pour s’épargner une dernière frayeur. Il y a ces cartons opportuns synonymes de suspension pour le week-end prochain même si cette tendance n’est pas si franche. Le Daily Mail avait recensé onze internationaux sous la menace d’une suspension en cas d’avertissement le week-end dernier mais seulement deux d’entre eux ont pris un jaune et manqueront le dernier-rendez-vous avant la coupure (le Portugais Diogo Dalot et le Gallois Chris Mepham).
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En Italie, Olivier Giroud (expulsé pour avoir enlevé son maillot) et Théo Hernandez sont suspendus pour le déplacement sur le terrain de Cremonese, ce mardi mais seront disponibles pour le dernier match dimanche contre la Fiorentina, à la veille de la date-limite de remise des listes à la Fifa. Avec deux matchs cette semaine, la Serie A et la Bundesliga sont les championnats les plus sujets aux risques de blessures. En Premier League, plusieurs voix se sont élevés pour le report de la 16e journée pour s’éviter de déchirantes scènes de joueurs blessés sur le fil. Les récentes larmes de Raphaël Varane, sorti sur blessure avec Manchester United (mais vraisemblablement apte pour le Mondial) ou le doute entourant la participation de la star sud-coréenne Heung-Min Son (Tottenham) ont marqué les esprits.
Pour s’éviter ces frayeurs, certains préfèrent ne prendre aucun risque à ce moment de la saison où aucun titre, ni trophée n’est en jeu. Cela est différent l’été quand certains joueurs sont pleinement concentrés sur les derniers gros objectifs en club (championnats, coupes d’Europe et nationales…).
Karim Benzema, par exemple, prend soin de ne pas aggraver une fatigue musculaire à la cuisse gauche. Il a manqué dix matchs cette saison, dont celui contre le Rayo Vallecano lundi. Le cas du Ballon d’or ne susciterait pas d’inquiétude au sein du staff des Bleus alors qu’il s’apprête à disputer la deuxième Coupe du monde de sa carrière. Sevré d'équipe nationale pendant cinq ans, il use de la plus grande précaution dans sa quête du graal mondial. Cela pose toutefois la question du rythme avant la deuxième compétition la plus suivie dans le monde (derrière les JO).
Pour Julian Nagelsmann, entraîneur du Bayern Munich, elle ne se pose pas. Il a décidé de ne pas faire jouer Thomas Müller, en délicatesse avec son dos, lors des deux matchs du Bayern cette semaine (contre le Werder Brême et Schalke 04) afin de ne pas risquer un forfait avant l’annonce de la sélection allemande, jeudi par Hans-Dieter Flick. "Le risque de blessure est déjà là, a-t-il confié à Sky lundi. Puisque nous sommes tous en forme, nous n'avons pas à prendre de risque. Je pense que c'est aussi dans son intérêt. Je voudrais juste lui donner du repos avant la Coupe du monde pour laisser la structure guérir complètement. C'est un peu trop de risques pour moi et pas assez de bon sens."
Tout le monde ne pourra pas être logé à la même enseigne et cette dernière semaine de compétition en club pourrait tenter certains internationaux de lever le pied et favoriser des équipes dépourvues de joueurs concernés par le Mondial et impliquées à 100%. Même si l’adage rappelle que les blessures arrivent justement quand on en garde sous la semelle.