France-Argentine: pourquoi le monde entier (ou presque) veut voir les Bleus perdre

"Tout le monde voulait nous voir perdre." Emiliano Martinez en est intimement convaincu : les Argentins sont soutenus par leurs supporters et uniquement par leurs supporters depuis le début de la Coupe du monde au Qatar. "C’est nous contre le reste du monde", disait-il fièrement après avoir battu le Mexique (2-0) en phase de groupes. Le dernier rempart de l’Albiceleste semble avoir oublié une donnée importante : il compte parmi ses coéquipiers l’un des joueurs les plus aimés de la planète. Une idole pour beaucoup, un demi-Dieu même pour certains. Bien au-delà de l’Argentine, l’aura du septuple Ballon d’or Lionel Messi offre à sa sélection les faveurs de très nombreux passionnés de football. C'est même le cas parmi les Uruguayens et les Brésiliens, qui entretiennent d’ordinaire une animosité tenace pour la sélection voisine.
La France, "un village d'Astérix" aux Etats-Unis
Selon un sondage de l'Institut brésilien de recherche et d'analyse de données, un tiers des compatriotes de Neymar plaçaient l'Argentine comme deuxième choix pour gagner le tournoi. "Auparavant, il n'y avait quasi personne pour souhaiter" une victoire des Argentins, "considérés comme arrogants", dit à l'AFP le journaliste sportif uruguayen Luis Prats. "Mais cette équipe paraît plus humble, plus combative. Et il y a Messi, qui n'est pas une vedette comme les autres." "Messi réussit un consensus comme aucun autre joueur", renchérit son confrère Diego Muñoz, de la chaîne ESPN, qui relève que de jeunes Uruguayens portent le maillot argentin, chose impensable pour leurs aînés.
Selon une enquête pour le média en ligne Montevideo portal, quasiment la moitié des 6.000 participants (47,5%) souhaitent une victoire argentine quand moins d'un tiers soutiendront la France (31%). Aux Etats-Unis, aussi, Messi rafle tout. "Les maillots que je vois dans la ville sont presque tous argentins, indique au Parisien Vincent Pialat, correspondant du journal aux USA. Beaucoup d’immigrés mexicains adorent Messi. La France me fait un peu l’impression du village d’Astérix, avec quelques rares bars français qui vont retransmettre le match pour les expatriés, mais c’est tout."
Les Anglais n'ont pas digéré le quart de finale
Même biais en Allemagne où, selon un sondage réalisé en collaboration avec FanQ par l'agence sportive SID, filiale de l'AFP, 63,1% des personnes interrogées ont déjà désigné Messi comme meilleur joueur du tournoi, contre seulement 13,6% pour Kylian Mbappé. Le sélectionneur du Maroc, Walid Regragui, qui a grandi en banlieue parisienne, avait lui apporté son soutien à la France après la défaite de son équipe en demi-finale. Pas certain que ce soit l'opinion dominante au Maroc... "Mbappé a encore tout l'avenir devant lui pour devenir une star planétaire. Aujourd'hui, c'est Messi qui mérite de gagner une Coupe du monde", raconte à l’AFP Meryem, une professeure de mathématiques de Casablanca. Même choix puissance 10 au Bangladesh, où le Mondial a donné lieu à d'impressionnants rassemblements de supporters du Brésil et d'Argentine, les deux sélections les plus populaires dans ce pays d'Asie du sud, terre de cricket qui se prend tous les quatre ans de passion pour le football.
Maisons parées de bleu clair et de blanc, prières pour l'Albiceleste, soutien passionné sur les réseaux sociaux, à Dacca, c'est Messi que l'on veut voir triompher. Le soutien est moins unanime au Japon, mais là encore, beaucoup rêvent de voir l'enfant de Rosario enfin couronné. Même les Anglais, sortis par les hommes de Didier Deschamps en quarts, semblent prêts à oublier le temps d’un match le conflit historique au sujet des îles Malouines. "En Angleterre, tout le monde sera derrière Messi étant donné que c’est sa dernière Coupe du monde. Les Anglais veulent croire à ce magnifique conte de fée", témoigne auprès de 20 Minutes la journaliste de The Athletic, Charlotte Harpur. La planète entière, exception des Français, serait donc derrière l'Argentine ? Non... Les Bleus peuvent compter sur le soutien des deux-tiers des Néerlandais, selon un sondage. Par pure détestation des Argentins après leur quart de finale perdu, conclu par une attitude jugée agressive et très peu sportive des joueurs de Lionel Scaloni.
Les Néerlandais à fond derrière les Bleus
Président d'une association des supporters des Oranje, Henk van Beek est intarissable sur le "favoritisme" dont bénéficieraient les Argentins", et leur "comportement arrogant". Aussi, assure-t-il à l’AFP, les Néerlandais espèrent que la France "infligera une défaite traumatisante (sur le plan du football bien sûr) à l'Argentine". Les Espagnols ne vont pas aussi loin, mais difficile d’imaginer les supporters du Real Madrid, par exemple, se ranger derrière l'ancien Barcelonais Messi. Quant à l’Italie, Deschamps peut espérer que son passé à la Juventus comme joueur puis entraîneur lui permettre de gagner quelques voix. Même s’il assure ne pas s’en soucier. "J'ai bien conscience que cette équipe (d'Argentine) a un soutien populaire très important, c'est valable dans toutes les compétitions, a-t-il reconnu samedi en conférence de presse. Je m'attends à une ambiance festive, le peuple argentin c'est un peuple de passionnés, ils sont à fond derrière leur équipe. Mais nos adversaires seront sur le terrain, pas en tribunes, et il y a suffisamment de qualités en face pour se concentrer là-dessus."
Une analyse partagée par Hugo Lloris : "A partir du moment où on a le soutien de nos supporters, que le pays est derrière nous, le reste a très peu d'importance. On a démarré cette compétition avec une mission. Très peu de gens y croyaient au départ de cette aventure et on se retrouve en finale quatre ans après. On va tout donner pour sortir vainqueur de cette ultime bataille."