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Incidents OL-OM: les versions contradictoires des différents acteurs

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Un match interrompu, puis annoncé sur le point de reprendre par le speaker du stade, puis définitivement arrêté, deux clubs qui ne décrivent pas les mêmes discussions en coulisses, le préfet et la LFP qui règlent leurs comptes... Difficile de savoir ce qu'il s'est réellement passé après les incidents d'OL-OM, dimanche soir en Ligue 1, tant les versions des différents acteurs divergent.

C’est le genre de soirée dont le football ne sort malheureusement pas grandi. Attendue par tous les amateurs de ballon rond, en France et pas seulement, l’affiche de la 14e journée de Ligue 1 entre l’OL et l’OM a tourné dimanche au fiasco. Parce qu’un individu a lancé une bouteille d’eau sur la tête de Dimitri Payet dès les premières minutes de la partie, et parce qu’il a ensuite fallu près de deux heures pour conduire à l’arrêt définitif de la rencontre, au terme d’un festival de contradictions.

Si les joueurs des deux équipes sont très rapidement rentrés aux vestiaires après l’agression subie par le capitaine marseillais (avant 21h), le speaker du Groupama Stadium a en effet annoncé à 22h05 la reprise imminente du match. Les Lyonnais sont alors revenus sur la pelouse pour s’échauffer… puis ont regagné les entrailles du stade quelques minutes plus tard, voyant que leurs adversaires ne sortaient pas. Et aux alentours de 22h40, le speaker a repris la parole pour demander, cette fois, aux spectateurs de rentrer chez eux.

Que s’est-il passé en coulisses pour aboutir à cet embarrassant malentendu ? La reprise du match a-t-elle vraiment été décidée ? Et par qui ? Voilà les questions que tout le monde se pose depuis près de vingt-quatre heures. Problème: les différents acteurs et instances ont donné des versions contradictoires.

>>> L'après OL-OM en direct

La version de l’arbitre : il n’a jamais voulu reprendre

Selon l’article 549 du règlement du championnat de France, l’arbitre est le seul décideur de l’arrêt ou de la reprise d’un match. Et justement, Ruddy Buquet s’est exprimé dimanche soir au micro du diffuseur de la rencontre, Prime Video Sport. "Ma décision a toujours été de ne pas reprendre le match, a-t-il assuré. Il a été évoqué des risques de troubles à l'ordre public, qui ont été pris en considération dans un premier temps. Mais je maintiens que ma décision était de ne pas reprendre la partie. Après, il y a d'autres considérations à prendre en compte, mais ma décision était d’arrêter la rencontre, pour des raisons sportives évidentes. (…) In fine, la décision de ne pas reprendre, c'est moi qui l'ai prise."

Dans ce cas-là, pourquoi le speaker de l’OL a-t-il annoncé à un moment donné la reprise du match ? Le club rhodanien a-t-il tenté un coup de force ? Selon nos informations, M.Buquet n'avait même pas connaissance de cette annonce auprès des dizaines de milliers de spectateurs.

Des sources proches de l’officiel expliquent que celui-ci s’est senti "un peu seul" face aux "pressions" reçues, les pouvoirs publics lui ayant indiqué au cours d’une réunion de crise que la décision de ne pas reprendre le match pouvait avoir des conséquences sur la gestion de l’ordre public.

La version de l’OL : l’arbitre a voulu reprendre, mais a changé d’avis en raison de l’attitude des Marseillais

Toujours prompt à défendre les intérêts de son club, le président de l’OL Jean-Michel Aulas a également pris la parole dès dimanche soir en assurant que le speaker avait annoncé la reprise du match pour la simple raison que l’arbitre l’avait décidée. Avant, selon lui, de faire volte-face. "Il y a eu un tel mouvement de violence dans les réactions (du camp marseillais) que l'arbitre a demandé à revoir le préfet et a inversé sa décision, a-t-il expliqué sur Prime Video. C'est pour cela que ça a été très long."

Invité ce lundi de Rothen s’enflamme, sur RMC, le directeur général du football de l’OL, Vincent Ponsot, a confirmé la version de son président. Et donné davantage de détails. "Il n’y a pas eu de pression de mise (sur l’arbitre), a-t-il lancé. Factuellement, ce qu’il s’est passé, c’est qu’on a été convoqué en cellule de crise dans le PC sécurité, avec le préfet, le DDSP, la procureure adjointe, l’arbitre, le délégué, les représentants de l’OM dont Pablo Longoria (le président marseillais), et nous. La question qui est alors posée, c’est : est-ce que les conditions de sécurité sont réunies pour que le match reprenne? Réponse des pouvoirs publics: oui. (…) Le deuxième élément, c’est Ruddy Buquet qui nous dit 'je suis embêté d’un point de vue sportif parce qu’on me dit que Dimitri Payet a une commotion cérébrale, et qu’il ne reprendra pas'. (…) Position de l’arbitre à ce moment-là: ok, le match reprend. On lui demande comment ça se passe d’un point de vue pratique, pour l’échauffement et tout, et il nous dit 'laissez-moi descendre voir mes assistants'. Il s’enferme dix minutes avec ses adjoints, il convoque les capitaines et les entraîneurs, et leur fait savoir sa décision de reprendre le match, avec sept minutes d’échauffement. Il a même donné les modalités de reprise. Peter Bosz (l'entraîneur lyonnais) envoie les joueurs sur le terrain, Pablo Longoria va informer les joueurs de l’OM, et derrière vous avez Alvaro Gonzalez qui sort comme un fou… Les joueurs de Marseille ne veulent pas reprendre, et voilà."

La version de l’OM: l’arbitre n’a jamais voulu reprendre, mais a subi des pressions qui ont provoqué un moment de flottement

Contrairement à l’OL, l’OM n’a pas publié de long communiqué ce lundi pour donner son point de vue. Mais Jacques Cardoze, le directeur de la communication du club phocéen, s’est exprimé dimanche soir dans l’After Foot, sur RMC. En soutenant la version de l’arbitre, qui n’aurait à aucun moment voulu faire reprendre le match.

"Pour moi il n’y a que les paroles officielles qui sont les bonnes. L’arbitre a été très clair : il a dit qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire reprendre la rencontre, a-t-il expliqué. Je n’étais pas dans le vestiaire des arbitres mais j’en ai discuté avec Pablo Longoria, et il (M.Buquet) n’a jamais voulu reprendre. Qu’il y ait eu des discussions sur le contexte autour du stade, comme à Nice, et la possibilité de faire empirer les choses à la suite d’un arrêt précoce, c’est normal. Le préfet s’intéresse avant tout à la sécurité des 50.000 personnes présentes ce dimanche soir. Mais l’interprétation que peuvent en faire certains n’est pas notre positon. (…) Monsieur Aulas dit que l’arbitre voulait reprendre le match, cela lui appartient. Nous, on a eu une position très claire de la part de Monsieur Buquet. C’était qu’il ne souhaitait pas reprendre. Etait-ce un coup de bluff de Monsieur Aulas ? Je n’en sais rien. Est-ce une mauvaise interprétation des choses ? Je ne sais pas non plus."

Toujours est-il qu’après l’annonce du speaker, l’OM aussi "a considéré, à un moment donné, que le match allait reprendre", d'après Cardoze. "Mais à ce moment-là, les discussions se sont poursuivies entre Pablo Longoria, Jean-Michel Aulas et l’arbitre. A l’évidence, et dans un esprit calme et serein, Monsieur Buquet a considéré qu’il n’était pas possible de reprendre le match, a-t-il indiqué. Il y a eu de la confusion mais moi je crois Monsieur Buquet."

Selon nos informations, on estime possible, dans les rangs marseillais, que l’OL ait voulu influencer l’arbitre via une annonce officielle du speaker, alors que les réunions étaient en train de se poursuivre et qu’aucune décision n’était encore définitive. L’OM décrit aussi "de fortes pressions" auxquelles a dû faire face l'officiel, notamment de la part des pouvoirs publics, comme expliqué précédemment.

La version de la LFP : le préfet de région a tenté de faire reprendre le match, malgré la décision de l’arbitre

Vous avez déjà mal à la tête à la lecture de cet article? Ce n’est pas fini. Car dans cette soirée pas vraiment sous le signe de la transparence, la LFP et le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont réglé leurs comptes via des communications publiques.

A 22h22, la Ligue de football professionnel a ainsi fait valoir son désarroi suite à l’annonce de la reprise du match, alors décidée, selon elle, par les autorités. "Ces nouveaux graves incidents rappellent que la sécurité des matchs est de la responsabilité du club recevant et des autorités locales, à qui il appartient en dernier ressort de la reprise ou de l’arrêt définitif de la rencontre", assure-t-elle. Et de tacler : "La Ligue regrette dans ces conditions la décision de reprise de la rencontre OL-OM par le Préfet de région comme c’était déjà le cas pour Saint-Etienne-Angers."

Dans une interview accordée ce lundi à L’Equipe, le président de la Ligue, Vincent Labrune, a pointé la longueur du processus ayant conduit à l’arrêt définitif de la rencontre. "Je suis choqué que l'on mette deux heures pour prendre une décision qui relève de l'évidence et qui aurait dû être prise en deux minutes, a-t-il confié. Car il est évident que quand un acteur est touché, le match ne peut pas reprendre. On ne peut, sous aucun prétexte, transiger avec l'intégrité des acteurs et il ne peut pas y avoir de deuxième chance à mes yeux. Le match doit être interrompu, point final."

La version de la préfecture : l’arbitre a été seul décideur et a voulu reprendre le match, sans la moindre pression à son encontre

Vers 22h, juste avant la première annonce dans les enceintes du Groupama Stadium, et alors qu’une éventuelle pression des autorités pour la reprise de la partie était évoquée, la préfecture s’est exprimé sur Twitter. "Suite à l’interruption provisoire du match OL-OM, une cellule de crise a rassemblé les autorités, les clubs et le arbitres, a-t-elle alors décrit. Contrairement à ce que certaines rumeurs laissent entendre, la décision de reprise du match n’appartient pas au préfet. Elle appartient au seul arbitre."

Et de se défendre de nouveau vers 22h45, après l’arrêt définitif de la partie, en donnant sa version des faits : "Suite à l’incident, une réunion de crise est organisée, en présence des arbitres, du préfet, de la vice-procureure, du DDSP et des présidents des deux clubs. L’arbitre décide de reprendre le match. Près d’une heure après, la LFP se défausse et publie un communiqué disant que la décision de reprise émanait du préfet du Rhône. Faux. Cette décision a été prise par l’arbitre en présence des autorités et des présidents de club. L’arbitre invite ensuite les autorités et les présidents de clubs dans son vestiaire pour dire qu’il change d’avis et qu’il stoppe la rencontre."

Invité de BFM Lyon ce lundi, le préfet de région Pascal Mailhos a de nouveau balayé d’un revers de main les accusations de pression. "Bien sûr que non (il n’y a pas eu de pression), d’abord parce que cette responsabilité ne me revient pas, a-t-il martelé. (…) Si donner avis c’est faire pression, pourquoi demander l’avis ? Je donne mon avis sur les deux hypothèses (reprise ou arrêt définitif), j’évalue les avantages et les inconvénients. Je ne donne pas de préférence, et à l’issue de cette réunion l’arbitre, très clairement, décide de maintenir le match, nous demande quelques minutes pour l'échauffement, et sous réserve que nous mettions quatre boucliers aux poteaux de corner. Une deuxième réunion se tient (quelques minutes plus tard) à la demande de l’arbitre dans son vestiaire. Il nous annonce alors qu’il ne reprendra pas le match. Nous lui faisons savoir le volte-face que cela représente, mais nous en prenons acte."

C.C.