Le grand dossier RMC Sport (partie 9) - Beira-Mar, la dernière pige de Luis Campos

Plus de flair pour trouver détecter les bons joueurs que les bons clubs
Chez les Campos, le football est un héritage familial ; et chez Luís, le lien est viscéral. Ni la violence subie à Penafiel, ni les deux râteaux du Gil Vicente, ni les deux descentes du V. Setúbal et du Varzim sur la même saison ne semblent avoir calmé la passion du Professor pour le ballon. Un appétit qui va finir par le bouffer.
Le 28 décembre 2004, deux mois à peine après avoir rompu avec les Coqs de Barcelos, il écourte ses vacances au Brésil et s’engage au SC Beira-Mar. Le club d’Aveiro (au sud de Porto) est relégable mais pas décroché. C’est dans la coulisse que ça bruisse. Quelques mois auparavant, son président, Mano Nunes, révélait la signature d’un accord avec Stellar Group, société de l’imposant Jonathan Barnett. "Un partenariat stratégique sur deux ans, qui va permettre au club une projection nationale et internationale, pour faire du Beira-Mar l’un des plus grands clubs portugais", affirme-t-il.
Une pelleté de joueurs estampillés Stellar débarquent à Aveiro, en plus d’un entraîneur anglais, Mick Wadsworth, dont l’expérience sur un banc se limite à quelques piges dans les bas-fonds du foot anglais et à trois mois (et autant de matchs et autant de défaites) aux commandes de la RDC. Wadsworth démissionne après quatre rencontres (et deux victoires) pour "raisons personnelles". Au final, c’est lui qui s’en sort le moins mal. Manuel Cajuda qui lui succède obtient autant de succès en 11 rencontres. Puis il résilie, lui aussi.
Stellar Group convainc alors Mano Nunes d’embaucher Jozef Chovanec. Mais le Tchèque les plante au dernier moment. C’est alors que la piste Campos est activée, devenant ainsi le troisième treinador des Auri-Negros de la saison. Le jour de sa présentation, son président affirme viser le top 10. "Je suis optimiste, sinon je n’aurais pas accepté la proposition", enquille LC.
Sa confiance va vite en prendre un coup. Pour sa première, contre Braga, il en prend quatre, alors que son équipe menait 1-0. Réduit à dix, le SCBM mange trois pions en six minutes! En Taça, il obtient une qualif' poussive, aux tirs aux buts, face à Espinho (qui terminera dernier de D2). A Guimarães, en plus de la défaite (0-1), son équipe prend encore un rouge. Manuel Machado, le technicien du VSC, qualifie la rencontre de "purge". Ce que les quelques spectateurs présents et la presse retiennent, c’est un geste de Silva, l’attaquant du VSC, à l’encontre de Campos: un geste obscène qui lui vaudra une amende et un match de suspension. Le Brésilien accuse le Prof de l’avoir insulté et lui reproche d’avoir ensuite envoyé un SMS à son coach: "Un homme dit les choses en face. En envoyant des messages par téléphone, il n’ira nulle part." Luís révèle la teneur du texto: "Dans la chaleur du match on s’est disputés mais à la fin on s’est salués, en se disant qu’on était de grands sportifs. Je te donne un conseil: le monde est petit et si tu craches en l’air, attention à ce que ça ne te retombe pas dessus."
Mirage ou miracle face au Benfica?
C’est donc un Beira-Mar en pleine lose qui, le 22 janvier 2005, se rend à la Luz. Mais l’improbable va se produire. Les Aveirenses vont dominer un SLB méconnaissable. Campos aligne un audacieux 3-4-3 que "Tanque" Silva va sublimer par un doublé. 2-0. Logique. Luís qui avait déjà battu l’imbattable FC Porto de Mourinho lors de la précédente saison avec le Gil Vicente, se refait le futur campeão. Trapattoni félicite son adversaire et le concède: "Ils méritaient de gagner." Mister Campos révèle sa recette: "J’ai utilisé une stratégie que visait à neutraliser le jeu direct du Benfica. J’ai demandé à presser leurs quatre défenseurs, de façon à ce qu’ils ne puissent pas avoir le temps de réfléchir, et à ce qu’ils envoient des ballons sur la tête de Karadas ou sur Simão ou Geovanni. Pour contrarier ce jeu direct, et comme le Benfica récupérait les premiers ballons, il fallait être en condition de remporter les deuxièmes ballons." Cette prestation n’est toutefois qu’un mirage, voire un miracle.
Dès la semaine suivante, le Beira-Mar reprend ses sales habitudes. Un pénalty offert dès la deuxième minute. Une claque 3-0 et une séquence de huit rencontres sans succès au Municipal d’Aveiro. Le syndrome maison que Luís Campos avait subi à Setúbal semble ressurgir.
"Caramba! Ça fait plaisir de regarder ses matchs"
Et en déplacement, ce n’est guère mieux. Luís recroise ses ex à Barcelos. Le climat est froid en ce 6 février. Casquilha, le capitaine du Gil Vicente à qui Campos avait réduit le temps de jeu, se montre laconique avant ces retrouvailles: "J’ai déjà affronté tellement de mes anciens entraîneurs. Pour moi, ça en sera un de plus…" La rencontre est fermée et le natif de Fão prend des risques. Il troque l’un de ses milieu déf par un ailier, passe à deux attaquants mais… encaisse un premier but à l’heure de jeu. Ses joueurs craquent, comme (trop) souvent. Tininho voit rouge et le 2-0 tombe sur le coup de sillet final. Campos quitte celle qui fut son enceinte sans un mot.
Au cours de la journée suivante, une autre ex se présente: Vitória. Chez lui, le Beira-Mar (1-1) demeure impuissant. Pourtant, il a de la gueule. La chronique du Record du lendemain: "Le Beira-Mar ne bat peut-être personne mais, 'caramba!' ça fait plaisir de regarder ses matchs. Ils sont ouverts, intenses, riches en émotions, avec beaucoup d’occasions de buts et un rythme soutenu." Face au Marítimo (0-0) et au Rio Ave (0-0), les Auri-Negros n’ont même plus ça.
En quarts de Coupe du Portugal, le Beira-Mar retrouve le Benfica mais, cette fois, pas d’exploit (0-1). L’équipe de Campos fait le jeu mais son inefficacité la rattrape. Pour le Mister, le problème est ailleurs: "On a été empêchés de continuer en Coupe." Et il accuse l’homme en noir: "Si Lucílio Baptista n’est pas nommé pour notre prochain, probablement que nous gagnerons."
Le prochain, c’est Leiria. Et Baptista n’est pas là, mais les hommes de Luís Campos non plus. Après 26 minutes de jeu, ils sont déjà menés 3-0. L’UDL déroule 5-1 et s’offre même le luxe de rater un péno. "J’ai honte, expire Campos. C’est incroyable comme cette équipe est capable d’être un jour le meilleur orchestre de Berlin et, le lendemain, de jouer de la flûte dans le bistro du coin." L’équipe réagit contre Estoril (2-1). Un one shot. Face au Belenenses, le Beira-Mar touche le fond (0-2). Dernier de Liga.
La révérence, à 40 ans
Le dimanche 3 avril 2005, Luís Campos dirige le dernier match de sa carrière d’entraîneur. Une débâcle face au FC Penafiel. Une de plus. Et pourtant... "Ce n’est pas par manque d’audace que le technicien aveirense a de nouveau connu le mauvais goût de la défaite", analyse le journal Record. A l’issue de la rencontre, le Prof pénètre, groggy, en salle de presse. Il déballe un papier et lit: "Ce match est le reflet parfait de ce que nous sommes cette saison: inconstants, imprévisibles, irréguliers, au-delà du manque de chance. En accord avec mon caractère et ma dignité, je suis ici pour assumer mes responsabilités, fier du parcours que j’ai réalisé. J’ai présenté ma démission. J’ai tout essayé pour renverser le scénario mais je n’y suis pas parvenu."
D’ailleurs, personne n’y parviendra. L’équipe sera ensuite confiée à Augusto Inácio mais l’entraîneur champion du Portugal cinq ans plus tôt avec le Sporting ne fera pas décoller le Beira-Mar de la dernière place. Luís Campos a 40 ans, et pour lui aussi c’était la dernière. Il n’entraînera plus.
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