Roland-Garros: horaires, diffuseur, galères, ambiance... quel bilan pour les night sessions cette année?

Nées en 2021, les sessions nocturnes de Roland-Garros ont fait leur retour, sans les contraintes liées à la pandémie de coronavirus. Le court central Philippe-Chatrier a accueilli dix matchs à partir de 21h00, dont le titanesque Nadal-Djokovic en quarts de finale. Un duel de prestige qui a mis en lumière certaines critiques, des problématiques, mais aussi des points positifs de ce qui est le résultat du dernier appel d'offres des droits de diffusion. En plus de gonfler les revenus avec un diffuseur supplémentaire, Prime Video ici, cette création récente à Paris, mais tradition ancienne à l'US Open et l'Open d'Australie, grossit les recettes de billetterie de la Fédération française de tennis (FFT).
· Des matchs de bonne facture et avec de l'ambiance
Musetti-Tsitsipas, Rune-Gaston, Djokovic-Nadal, Ruud-Rune... La programmation a réservé plusieurs matchs de bonne facture aux spectateurs des sessions de nuit, qui dépensent parfois plusieurs centaines d'euros pour un seul match (contrairement à un billet en journée qui donne accès à plusieures affiches sur le court central).
L'ambiance a tout particulièrement été remarquable pour le choc des titans entre Rafael Nadal et Novak Djokovic, mais aussi lors du défi d'Hugo Gaston face à Holger Rune. "Les sessions de soirée, quand vous êtes dans le stade, pour moi, l'intérêt, est évident. C'était plein tous les soirs", s'est félicitée Amélie Mauresmo, directrice du tournoi, sans manquer de rappeler que "le stade était plein" à la fin du duel Nadal-Djokovic vers 1h20.
Président de la Fédération française de tennis, Gilles Moretton voit dans cette programmation "une remise en question" pour toucher un public "qui travaille" et peut donc profiter de l'horaire pour aller voir des matchs. Une façon de "toucher un nouveau public".
· Les joueurs n'ont pas tous apprécié
Si certains joueurs voient les sessions nocturnes "comme un privilège", d'autres ont été bien plus critiques. "Il faut trouver le bon équilibre", a jugé Rafael Nadal, qui n'apprécie guère les chutes de température (sous les 10°C) et la hausse d'humidité lorsque le soleil est couché. "Commencer le match à 21h, sur terre battue, au meilleur des cinq sets, ça peut finir très tard", a-t-il aussi souligné, avant de batailler pendant 4h12 face à Novak Djokovic.
"Je pense qu'ils commencent trop tard, pour être honnête, a d'ailleurs dit le Serbe. Mais encore une fois, la télévision décide. C'est le monde dans lequel nous vivons. Les diffuseurs choisissent si c'est un match de nuit, de jour. Ils donnent l'argent. Ils décident."
Des critiques entendues par Amélie Mauresmo, qui comprend que la récupération physique peut être un problème pour un joueur qui se qualifie très tardivement: "L'horaire des matchs du soir peut poser question de ce point de vue-là."
· Essentiellement des matchs masculins
Sur les dix night sessions au programme, neuf ont été des matchs masculins, un seul du tournoi féminin (Alizé Cornet face à Jeļena Ostapenko le 26 mai). Ce qui a alimenté les critiques des défenseurs de la représentation des femmes dans le sport.
"À notre ère, et en tant que femme, aussi en tant qu'ancienne joueuse, je ne me sens pas mal. Je ne trouve pas ça injuste de dire qu'actuellement il y a plus d'attrait pour les matchs masculins", a déclaré Amélie Mauresmo, limitée par le fait de ne pouvoir programmer qu'un seul match en nocturne, et pas deux comme à l'US Open (qui présente généralement un match féminin et un match masculin). "Mon objectif, lorsque j'ai commencé la programmation au jour le jour, c'était d'essayer de voir, et depuis les premiers tours, lorsque le tableau est tombé, quels seraient les matchs du tableau féminin qui pourraient être présentés en session de nuit. (...) Je l'admets, il a été difficile de trouver", a ajouté la dirigeante française.
"C'est un petit peu décevant et surprenant", a réagi l'actuelle n°1 mondiale polonaise Iga Swiatek. "C'est une question de goût personnel de préférer le tennis masculin ou féminin ou de les apprécier tout autant, a-t-elle poursuivi. Le tennis féminin a beaucoup d'atouts. Certains disent qu'il est imprévisible et que les joueuses manquent de régularité. Mais cela peut aussi être des qualités attrayantes".
· Brouille avec France Télévisions
La programmation nocturne du quart de finale Nadal-Djokovic s'est faite au détriment de France Télévisions, partenaire historique du tournoi. La décision a, selon Le Figaro, suscité l'ire de Delphine Ernotte, présidente du groupe public. "Cette décision de la Fédération française de tennis me choque profondément, aurait-elle déclaré. C'est un bien mauvais coup porté à notre partenariat, alors que nous participons depuis des années à exposer et populariser le tournoi auprès de tous les Français. Je trouve extrêmement choquant de privilégier un acteur américain comme Amazon au détriment du service public, surtout sur un événement financé en tout ou partie par de l'argent public. L'inverse serait totalement inimaginable aux États-Unis."
Pour limiter les critiques sur le sport de moins en moins accessible à la télévision, Amazon a rendu le match gratuit sur sa plateforme Prime Video. Une façon aussi de signer un joli coup de publicité.
· Des problèmes de logistique pour les spectateurs
Amélie Mauresmo a identifié un "point clé" à traiter pour les années à venir. La fin du choc Nadal-Djokovic après 1h du matin, en plein milieu de semaine, a posé d'importants problèmes aux spectateurs pour rentrer chez eux. Car à cette heure, le service de métro à Paris ne fonctionne plus. Compte tenu du nombre important de personnes dans le stade, les prix des taxis et des VTC s'est envolé dans le secteur. "Je viens de rentrer de Roland-Garros. Les taxis demandaient 95 euros pour faire deux km. Nous sommes revenus à pied", s'est notamment désolé un internaute.
"On n'a pas les les moyens aujourd'hui d'organiser quelque chose pour 15.000 personnes qui sortent", a reconnu Mauresmo, qui promet néanmoins de chercher des solutions pour l'avenir. Elle a notamment évoqué de futures discussions avec les pouvoirs publics franciliens pour "peut-être pousser plus loin le système de métro ou de bus".