"Déjà assez de négativité dans le cyclisme féminin": la présidente du syndicat des coureuses défend Ferrand-Prévot après la polémique sur son poids

Marion Clignet, On entend pas mal parler de la maigreur des coureuses sur le Tour de France ces derniers jours. Pourtant, celles-ci sont suivies, non?
Les coureurs professionnels, surtout les femmes, en World Tour, sont suivi(e)s par des nutritionnistes, des cuistots. Nous, on a alerté quelqu'un qui n'était pas encore en World Tour, qui a eu des gros problèmes de troubles du comportement alimentaire, qui est très bien suivi aujourd'hui et est désormais passée en World Tour. Elle est encore mieux suivie parce que les équipes prennent ça très au sérieux. Il y a Cédrine Kerbaol, qui court chez EF Education-Oatly, qui a créée une page Instagram qui s'appelle F.E.E.D et qui justement fait un appel aux filles pour parler des troubles du comportement alimentaire. Nous avons écrit une lettre à l'UCI, à la Fédération Française de Cyclisme. Le médecin des médecins de la Fédération a pris tout cela au sérieux et créé un groupe de travail. Comme je lui ai dit, c'est un problème qui existe depuis 30-35 ans, mais aujourd'hui on a beaucoup plus d'informations sur les cycles menstruels et le sport qu'on avait à mon époque, donc tout ça est bien documenté et regardé.
Mercredi, la leader de la Movistar Marlen Reusser s'est dit inquiète de voir Pauline Ferrand-Prévot établir "une nouvelle norme" en évoquant sa maigreur. Quelle est votre position?
Pauline a bien annoncé que c'est quelque chose qu'elle pouvait faire une fois dans l'année, pas deux, que ce n'était pas sain d'être aussi maigre mais que le poids qu'elle a perdu, elle ne l'a pas perdu en une semaine. Elle a pris le temps entre la Vuelta et le Tour de France pour perdre du poids, elle a fait ça lentement, bien entourée, bien consciente qu'elle pouvait le faire qu'une fois dans la saison et pas deux. Donc elle est très très bien entourée. Il n'y a pas de miracle.
"Ce n'est pas normal de ne pas avoir ses règles"
Vous pensez que c'est un sujet - la maigreur - dont on parle plus pour les femmes, parce qu'il y a des conséquences sur leur santé?
Justement, elle en a parlé, elle a adressé le problème. Nous aussi, on a le syndicat des coureuses françaises qui adresse le problème et qui demande à travailler avec la Fédération et l'UCI sur peut-être un suivi par rapport aux hormones, par rapport aux densitométries osseuses, d'être sûr que toutes les filles sont cyclées. Cédrine (Kerbaol) avait lancé l'annonce sur la page Instagram et nous on le répète aux jeunes coureuses que ce n'est pas normal de ne pas avoir ses règles. C'est très souvent la première chose qui arrive quand on fait beaucoup de sport, donc on travaille là-dessus. Il y a des gynécologues qui suivent les sportives, qui connaissent le problème, donc c'est adressé.
Est-ce qu'on peut d'ailleurs déjà parler de norme pour les coureuses, le fait d'être très sèches?
Non, ce n'est pas une norme chez les filles. Si vous avez regardé les filles du Tour de France, elles ne sont pas toutes maigres, il y a plein de tailles différentes. Par contre si on regarde les marathoniennes, on ne parle pas de ça, on ne parle pas de ça dans l'athlétisme. Or elles sont beaucoup plus maigres, beaucoup plus sèches que les filles dans le vélo. Donc non, je pense qu'on cherche quelque chose qui n'est pas aussi dramatique que dans la course à pied longue distance.
Est-ce que si on regarde des filles comme Demi Vollering ou d'autres Françaises, elles sont assez régulières sur leur poids durant la saison, et perdent pour le Tour?
Tout le monde s'affûte un peu, se sèche un peu plus parce qu'il y a des montagnes à passer et que le rapport poids-puissance fait en sorte que. Mais ça ne veut pas dire qu'elles sont malades. Je trouve que chez les mecs, c'est plus dramatique, ils sont hyper maigres mais il y a une omerta, on n'en parle pas. Aussi, je pense qu'il faut faire la part des choses et peut-être féliciter Pauline pour sa performance au lieu de mettre le bazar dans le sport féminin. On a déjà assez de négativité dans le cyclisme féminin. Là, le Tour marche super bien, c'est la quatrième année, il n'y a jamais eu autant de spectateurs... Je pense que ce qui est important à voir, c'est qu'il y a des équipements peut-être pas adaptés aux femmes dans le vélo. Les selles, par exemple. Il y a des filles qui changent ou qui arrêtent le vélo ou qui sont obligées d'arrêter plusieurs mois parce que les selles ne sont pas adaptées pour nous. Elles développent un problème qui s'appelle un lymphœdème vulvaire. Ca, à mon avis c'est plus urgent aujourd'hui que les histoires de poids. On est toujours dans ce problème d'équipement qui n'est pas toujours fait pour les femmes en premier.