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Pogacar qui agace, la magie Cavendish, le calvaire de Lavenu... Les 3 moments forts de la saison 3 de la série Tour de France sur Netflix

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La troisième saison de la série Tour de France: Au coeur du peloton sort ce mercredi 2 juillet sur Netflix. RMC Sport a pu regarder les huit épisodes en avant-première. Morceaux choisis.

Des joies, des peines, des cris de rage et des larmes de bonheur. Netflix n'a pas changé la recette de cette troisième et dernière saison de Tour de France: Au coeur du peloton, toujours saupoudrée de bruits de chaînes et d'os qui craquent sur le bitume hexagonal. RMC Sport a pu visionner les huit épisodes de la série, qui sortira sur Netflix le 2 juillet prochain. Voici les trois histoires marquantes de ce Tour de France 2024 façon Netflix.

L'appétit démoniaque de Tadej Pogacar, le "tueur au sang froid"

"J'y vais toujours à fond, du début à la fin". La gloutonnerie de Tadej Pogacar est l'un des sujets majeurs de la saison 3. Écrasant vainqueur de ce Tour de France 2024 avec plus de 6 minutes d'avance sur son dauphin Jonas Vingegaard, le Slovène n'a même pas laissé les miettes à ses adversaires. En témoignent ses six victoires d'étapes, dont un irréel triplé sur les trois dernières journées.

Et l'on comprend immédiatement à quel point la tâche des équipes de Netflix chargées de la production de cette saison 3 a été compliquée. Difficile en effet de faire monter la sauce hitchcockienne quand le maillot jaune remporte près d'un tiers des étapes.

Si l'on reste donc sur sa faim en termes de suspense, un autre narratif s'impose: ce règne tyranique semble sérieusement agacer un peloton plus admiratif des champions qui savent laisser quelques victoires aux mortels.

"Il faut être honnête, UAE détruit le cyclisme. Ils détruisent les autres équipes", lâche ainsi un membre du staff de l'équipe EF Education EasyPost après une énième démonstration de force du prodige slovène.

Une détresse partagée par son manager général Jonathan Vaughters, très remonté contre le style implacable de Pogacar. Assis dans son bus face aux images de l'impuissance de son grimpeur Richard Carapaz, un temps échappé sur la 15e étape avant d'être aplati par le rouleau-compresseur d'UAE, le patron d'EF Education EasyPost s'emporte face à la caméra. "Quelle course de merde... Ils ont les moyens d'acheter leur domination, c'est aussi simple que ça. C'est le genre d'étape qu'on aurait pu gagner sur un autre Tour. Mais sur le Tour 2024, c'est impossible. Et c'est un peu triste (...) Tadej est un tueur au sang froid."

Tueur: le mot est lâché. Et l'intéressé le revendiquerait presque. Face à la caméra, il le confie: il n'est pas là pour être aimé par ses pairs. "J'essaie de gagner autant de courses que possible", avance Pogi. "Je veux gagner toutes les étapes de montagne qu'il reste pour montrer que je suis le meilleur grimpeur du monde. Carapaz est bon en montagne, mais je suis meilleur."

Mais ce cannibalisme a un prix: celui de la popularité. A voir le maillot jaune dévorer la moindre roue, le grand public se lasse. Et quand le sujet vient sur le tapis, on découvre un Tadej Pogacar plus fragile, blessé par les critiques.

"Parfois j'aimerais bien ne pas avoir de smartphone. Ce serait bien de ne pas voir tout ce qu'on dit dans les médias. Ce serait plus facile (...) Mais on me paie pour gagner, pas pour donner la victoire aux autres. Mon patron ne serait pas content si je laissais les autres passer devant moi. Il faut saisir toutes les opportunités de victoire parce qu'on ne sait jamais quand une carrière s'arrête", explique le Slovène.

Vincent Lavenu en plein cauchemar

Il est l'une des stars de cette troisième saison, mais il s'en serait certainement bien passé. Chacune des apparitions du désormais ex-patron de la formation Decathlon-AG2R La Mondiale fait souffler un vent glacial sur la série. Pas tant par sa faute, tant on souffre avec un Vincent Lavenu désavoué par sa direction, insatisfaite des résultats enregistrés sur ce Tour 2024 malgré un début de saison canon.

Voix douce, sourire chaleureux, regard humain... Dès les premières minutes, on comprend que ce Lavenu a tout du "gentil" de l'affaire. Il lui faut donc un "méchant" de qualité. Il n'y aura pas besoin de chercher très loin: Dominique Serieys, son remplaçant au poste de directeur général de l'équipe savoyarde, crève l'écran dans ce rôle.

Dès sa première apparition, on comprend qu'il ne fera aucun cadeau au fondateur de la formation, dont on sent qu'il se passerait bien. "Quand je suis arrivé, j'ai trouvé une équipe qui était dans une situation délicate. Ça faisait plusieurs années que les résultats n'étaient pas bons. Je suis venu un peu en libérateur", explique-t-il avec un sourire en coin.

Et en matière de mauvais résultats, le Tour de Decathlon-AG2R La Mondiale va battre des records. Partie avec l'idée de viser "un double objectif" en chargeant l'Irlandais Sam Bennett de glaner des victoires sur les étapes de plaine et le grimpeur autrichien Felix Gall de jouer un top 5 au classement général, la formation française va vite déchanter.

Entre Bennett qui traîne sa peine sur les sprints, loin des Girmay et autres Philipsen, et Gall qui n'avance pas en montagne et glisse lentement mais sûrement au classement général, la situation ne va faire que se tendre tout au fil de la saison. A chaque désillusion, Serieys se fait de plus en plus pressant, presque menaçant vis-à-vis de Lavenu.

Les réunions de crise s'enchaînent, Vincent Lavenu semble s'affaisser. Sommé de s'expliquer, l'ancien coureur essaie de voir le verre à moitié plein. "Il faut conserver une attitude positive vis-à-vis des coureurs et ne pas les mettre en difficulté ou leur mettre trop de pression", avance-t-il timidement.

Mais Serieys ne voit pas les choses de la même manière. "Il faut mettre une petite pression à Sam. Maintenant, il doit aller chercher ce qu'on attend de lui. Je vais lui dire comme ça." Chose promise, chose due: l'homme de fer de Decathlon-AG2R La Mondiale lance à un Bennett totalement médusé: "Sam, fucking sprint! Répète après moi: 'Fucking sprint!'". L'intéressé ne s'exécutera pas.

En plein Tour, un article de L'Équipe vient alourdir la barque d'un Lavenu en plein naufrage. "Vincent n'est plus rien", "ils le prennent pour un minable"... Les déclarations qui y sont rapportées sont "destructrices" pour le fondateur de l'équipe, selon ses propres mots. Mais loin d'être mal à l'aise à l'évocation de ce papier à charge, Serieys esquisse un sourire presque satisfait. "Je ne suis pas autorisé à commenter", lâche-t-il de façon lapidaire.

"Ils ne sont pas assez préparés", "ça n'est pas bon"... Pas question pour le patron d'adoucir son management. Au contraire, il met une pression démentielle sur son staff et ses coureurs et serre la vis à chaque déception. Et la situation file vers son issue inéluctable: le licenciement de Vincent Lavenu au mois d'août 2024. Rien d'étonnant finalement quand on écoute Serieys se décrire face à la caméra de Netflix: "C'est sans doute en moi parce que même tout petit, quand je jouais aux cartes ou aux dames, quand je voyais que je n'allais pas gagner, je jetais tout par terre". Les 32 ans de Lavenu à la tête de l'équipe n'y auront pas survécu.

Le jusqu’au-boutisme de Mark Cavendish

Ou quand les scénaristes de Netflix sont battus à leur propre jeu. Car avouons-le une bonne fois pour toutes: si l'un d'entre eux avait pitché l'histoire d'un vieux coureur cycliste en qui plus personne ne croit qui, échouant sur blessure à une unité du record absolu de victoires d'étapes sur le Tour de France, décide de reporter d'un an sa retraite avec l'unique obsession de décrocher un dernier bouquet pour asseoir sa légende, beaucoup auraient moqué ce happy end hollywoodien un poil cliché.

Difficile en effet de tisser plus beau récit que celui cousu à coups de pédales par un Mark Cavendish en mission. Impossible aussi de ne pas sentir une petite larme monter au moment où celui-ci remporte sa 35e et dernière victoire d'étape à Saint-Vulbas sur ce Tour 2024. Ce jour-là, l'ensemble du peloton (à l'exception notable d'un Jasper Philipsen passablement énervé) était sincèrement heureux et ému pour l'Homme de Man, qui n'a pourtant pas toujours joui d'une très bonne réputation auprès de ses pairs.

Mais ce que l'on découvre dans cette saison 3, c'est la genèse de cet improbable "last dance" dès le lendemain de son abandon sur le Tour de France 2023. Les caméras nous invitent ainsi au coeur de la discussion familiale fondatrice. Celle où le Cav, bras en écharpe et mine déconfite, demande à sa femme et ses quatre enfants leur avis: doit-il ou non rempiler pour un an pour décrocher le record?

"Je ne veux pas terminer ma carrière sur une chute. Évidemment, personne ne veut finir comme ça. Mais à 38 ans, c'est dur. Je sais ce que ça coûte de faire du sprint. Ca n'est pas juste une journée ou une semaine d'entraînement." Sincèrement indécis, le champion du monde 2011 pose alors LA question.

"A votre avis, que doit faire Papa?"

La réponse ne se décline pas en mots, mais en sourires sur les visages de ses proches, aussi habités par la quête de leur père et mari. Et comme le résume sa femme Peta Todd, tout en donnant un biberon à leur dernière fille, "personne ne va dire 'mais pourquoi il fait une année de plus'. Et si c'est le cas, on s'en fout complètement!". La suite appartient désormais à la légende du Tour.

François de La Taille