Tour de France: le bilan et les temps forts d’une première semaine dingue

Le one man show de Pogacar
Une semaine s’est écoulée depuis le coup d’envoi du Tour de France, et pour lui, la route est déjà complètement dégagée. Plus un seul nuage n’est perceptible à l’horizon. Même sous une pluie diluvienne et dans des conditions dantesques ce week-end, Tadej Pogacar a montré à l’ensemble du peloton qu’il était le plus fort, et de très loin.
L’étendue de sa supériorité doit autant à son talent énorme qu’à la pauvreté de la concurrence, on le verra, mais le Slovène, fort de l’expérience acquise la saison passée dans la gestion de la course, a parfaitement su profiter des circonstances pour assommer ses potentiels adversaires, les ramenant au rang de simples figurants.
Intouchable sur le contre-la-montre de la 5e étape, Tadej Pogacar s’est chargé d’accenter les déséquilibres aperçus sur la route du Tour depuis les chutes des premiers jours et le chrono. Époustouflant dans le dyptique alpin du week-end, le Slovène a mis à profit les cols de Romme et de Colombière pour s’envoler au classement général.
Son équipe est moins armée que les Ineos Grenadiers et les Jumbo Visma, notamment en montagne, mais Pogacar n’en a cure. Débarqué en Bretagne dans les meilleures conditions, le Slovène prend un malin plaisir à jouer avec les meilleurs coureurs du peloton. C’est avec une très grande facilité en course qu’il a encore creusé des écarts à Tignes, frappant un grand coup au général et sur la tête de ses adversaires.

Le calvaire des leaders présumés, une concurrence décimée
"Si je peux décrocher le maillot jaune ? Ça reste à voir", disait Wout van Aert, à la veille du chrono. Et on a vu. Depuis cinq jours, personne n’est en mesure de contester la suprématie de Pogacar. Parce que le Slovène est un extraterrestre d’une part, mais aussi parce que la concurrence est décimée d’autre part, que la plupart des favoris ont chuté, sans jamais se remettre de leurs blessures. On pense forcément à Primoz Roglic en premier lieu. Double vainqueur de la Vuelta, il paraissait le mieux armé au sein de la formation Jumbo-Visma pour contrarier la suprématie de son compatriote.
Mais sur la route du Tour, un accident fatal est très vite arrivé. Pour la momie - surnom qu’il s’est lui-même attribué -, la chute est survenue à une dizaine de kilomètres de l’arrivée de la troisième étape à Pontivy, un jeu de massacre qui a coûté très cher à de nombreux coureurs. Arrivé au Creusot avec quasiment quatre minutes de retard sur le groupe des favoris, souffrant de contusions, Primoz Roglic a pointé à près de 40 minutes du maillot jaune au général. Dépourvu d’ambition, il a choisi l’abandon. Geraint Thomas a lui préféré poursuivre la Grande Boucle, et se muer en équipier de luxe pour Richard Carapaz.
Malheureusement pour la formation Ineos, le Gallois, qui souffre depuis sa chute et une luxation de l'épaule, a terminé samedi avec le gruppetto. Diminué physiquement, il n’a pas été d’un grand secours dans les Alpes pour l’Équatorien, l’un des seuls à essayer de contester la suprématie de Pogacar. Attendu dans le rôle d’un joker avant d’être propulsé leader de la formation Ineos, Carapaz doit aussi apprendre à gérer la pression inhérente à tout potentiel vainqueur du Tour. De ce point de vue, Tadej Pogacar l’a certainement soulagé d’un poids. Avec 5’33 d'avance, et même en imaginant une défaillance, le Slovène semble hors de portée.
Mathieu van der "Poelidor"
C’est le plus bel hommage qu’il pouvait lui rendre. Vainqueur de la deuxième étape du Tour de France, dont l’arrivée était jugée à Mûr-de-Bretagne, Mathieu van der Poel a endossé le maillot jaune que son grand-père Raymond Poulidor n’avait jamais porté. Personne n’a oublié les larmes du coureur néerlandais pour l’ancien champion français, qui a laissé une trace indélébile sur les routes du Tour.
En pleurs pendant plusieurs minutes après l’arrivée, van der Poel a ému les Français, faisant presque oublier ce jour-là qu’il subtilisait la tunique de leader à Julian Alaphilippe. L’épopée du leader néerlandais a passionné les spectateurs sur le bord des routes, le coureur Alpecin repoussant chaque jour un peu plus ses limites. Mathieu van der Poel, pourtant guère spécialiste du chrono, a conservé le maillot jaune au terme du contre-la-montre écrasé par Pogacar.
La montagne a finalement eu raison de lui, et c’est à l’issue d’une semaine incroyable qu’il a finalement jeté l’éponge, avec en tête le rendez-vous des JO de Tokyo, où il espère décrocher une médaille d’or dans l’épreuve de cross-country VTT, sa première spécialité. "Nous savions que ce serait difficile pour moi. J'ai d'autres objectifs. A cause de la pandémie, il m'était impossible de faire la totalité du Tour et d'être au sommet de ma forme pour Tokyo". Personne ne lui en a tenu rigueur, d’autant qu’il l’a déjà promis: "Je serai de retour l’année prochaine pour aller à Paris".

La renaissance de Cavendish
En octobre dernier, il avait failli se retrouver au chômage, faute de résultats probants sur les quatre dernières saisons. Mais le Cav a soudainement ressuscité avec la formation Deceuninck Quick-Step, écrivant l’une des plus belles pages de sa légende. Le coureur britannique a signé son retour en enlevant mardi à Fougères sa 31e étape sur le Tour, treize ans après son premier succès, et sa première victoire sur la Grande Boucle depuis 2016.
Il ne lui fallait pas deux jours de plus pour récidiver. C’est à Châteauroux, là où il avait inauguré son palmarès dans le Tour en 2008, qu’il s’est adjugé la 6e étape du Tour. Un succès pas comme les autres puisqu’il le situe à deux succès seulement du record absolu toujours détenu par la légende Eddy Merckx.
Interrogé évidemment sur le record des 34 victoires de Merckx, qui pourrait lui être accessible dans ce Tour -cinq autres sprints massifs sont envisageables jusqu'à Paris-, le natif de l'île de Man a répondu: "Je ne veux pas y penser. Je veux gagner une (étape) par une. Si je peux en gagner d'autres, je le ferai".
Il devrait en avoir la possibilité, s’il parvient à sortir indemne des étapes de montagne, car d’autres ont déjà disparu de la circulation. Arnaud Démare et Bryan Coquard sont arrivés hors délais au terme de la 9e étape et n’ont pas été repêchés. En revanche, Cavendish, tout comme le Français Nacer Bouhanni et l’Allemand André Greipel, ont fini dans les temps.
Alaphilippe s'accroche après avoir débuté magnifiquement
Dans une forme loin d’être optimale et au sein d’une formation Deceuninck Quick-Step plus habituée à jouer des victoires d’étapes, Julian Alaphilippe était encore dans le coup avant les premières étapes alpestres. Le Français occupait même la 4e place du classement, à 48 secondes du maillot jaune. Las, les premiers cols ont été fatals au coureur de Patrick Lefévère. Le champion du monde a perdu quelques 18 minutes au Grand-Bornand, et plus encore à Tignes, si bien qu’il pointe désormais à 47’02 de Tadej Pogacar
C’est un autre Tour de France qui commence pour Julian Alaphilippe, qui aura tout le loisir de faire admirer son panache pour donner une suite à son succès inaugural sur la première étape de cette Grande Boucle. Il n’est pas dit en revanche que les Français Guillaume Martin et David Gaudu, respectivement 9e et 10e du classement général, disposent de la même liberté. Leur champ d’action sera nettement plus restreint dans la course au podium qui devrait les intéresser, et ce, dès mardi, après une journée de repos bien mérité.
Quatrième d'une 9e étape dantesque, Guillaume Martin a été récompensé de tous ses efforts consentis à l'avant, mais c'est un maigre butin qu'il rapporte de son aventure sur le plan comptable, le Français n'ayant repris qu'une poignée de secondes à la concurrence. C'est toujours ça de pris, en espérant toutefois qu'il n'en paye pas le prix. David Gaudu n'a lui pas trouvé de réplique à opposer au contre de Pogacar, qui l'a laissé, comme d'autres, sans réaction. Mais le coureur de la Groupama-FDJ a cédé près d'une minute à ses rivaux en conclusion d'une journée noire pour son équipe, avec la sortie du sprinteur Arnaud Démare, arrivé hors délais.