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Tour de France: pourquoi la victoire de Pauline Ferrand-Prévot a soulevé des prises de position sur le poids des cyclistes

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Depuis la victoire de Pauline Ferrand-Prévot sur le Tour de France le 3 août dernier, plusieurs voix du peloton ont pris publiquement position sur le sujet de la perte de poids. Les questions tournent surtout autour de problèmes potentiels pour la santé et d'un mauvais exemple donné pour la jeune génération.

"On espérait secrètement qu’elle ne gagne pas". La récente sortie de Marlen Reusser, pour évoquer la victoire de Pauline Ferrand-Prévot sur le Tour de France, a remis une pièce dans la machine. Depuis le sacre de PFP le 3 août dernier, de nombreuses voix du peloton ont pris position sur cette perte de poids conséquente de la Française.

Avant le départ du Tour de France le 26 juillet, Pauline Ferrand-Prévot indiquait qu'elle avait perdu quatre kilos depuis son sacre sur Paris-Roubaix le 12 avril dernier. "Ferrand-Prévot a établi une nouvelle norme. Lorsque des coureuses connaissent un tel succès, cela nous met tous sous pression", a commenté Reusser auprès de Tages-Anzeiger. "Lorsqu'elle présente son nouveau maillot et qu'elle est visiblement fière qu'il soit trop grand, cela envoie un message."

Deuxième du Tour de France, Demi Vollering avait été interrogée, dès le soir de la dernière étape, sur une perte de poids éventuelle afin d'être plus performante en montagne. "Il ne faut pas être super maigre pour gagner", balayait la Néerlandaise. "Je suis fière de mon poids. J'espère qu'à l'avenir, je pourrai à nouveau gagner grâce à mon poids et montrer aux filles qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la peau sur les os pour gagner."

Le 7 août dernier, Demi Vollering effectuait une mise au point dans un long message sur Instagram, expliquant d'abord qu'elle avait simplement répondu aux questions sur le sujet. "La vérité, c'est que je ne suis pas faite pour être la coureuse la plus légère du peloton. Et je ne veux pas forcer mon corps à devenir ce qu'il n'est pas", assumait la leader de la FDJ-Suez. "Je cours déjà au plus haut niveau, avec un corps fort, mince et performant. (…) Ce post n’est pas là pour faire des comparaisons. Il n'y a pas de voie unique vers le succès."

Des craintes de problèmes de santé et d'un mauvais exemple pour la jeune génération

Pour Vollering et Reusser, parmi les meilleures cyclistes du monde, le sujet du poids est notamment une question d'exemple pour la jeune génération. Un avis partagé par Maëva Squiban la révélation française du dernier Tour avec deux étapes dans la besace. "De plus en plus de jeunes filles sont un peu obnubilées par le poids et pensent que plus on est fine ou légère, plus on va marcher. Or, ce n'est pas forcément le cas", a lancé la Bretonne à RMC Sport.

Pour Squiban, la comparaison avec le cyclisme masculin n'a pas forcément de sens : "Les hommes ont plus de marge de manœuvre parce qu'ils peuvent vraiment tomber très bas en termes de masse grasse et il n’y aura pas d’impact sur leur santé alors que pour les femmes, pour que le corps fonctionne il faut un minimum de masse grasse."

Lors du Tour de France, Cédrine Kerbaol avait publiquement alerté sur le syndrome RED-S, soit un "déficit énergétique relatif dans le sport" qui peut affecter la santé en provocant l’absence de règles, par exemple. "Ne pas avoir ses règles, ce n'est pas normal. (...) Ce qui se passe là n’est pas terrible", avertissait-elle auprès de l'Humanité. Ces dernières années, c’est très à la mode de compter chaque gramme dans les assiettes. Il ne faut pas qu’on tombe dans une forme de déshumanisation et d’infantilisation."

Pour Kerbaol, également titulaire d'un BTS en diététique, le cyclisme féminin se trouve "dans un moment dangereux". "Il y a beaucoup de personnes qui ont gagné de grandes courses avec un poids très léger et, indirectement, les jeunes filles qui essaient de performer vont les prendre pour exemple", notait celle qui a gagné une étape sur le Tour de France en 2024.

Ferrand-Prévot trouve "bien" d'avoir des prises de position sur le sujet

Marion Clignet, présidente du syndicat des coureuses, garantit elle que "le fait d'être très sèche sur le vélo n'est pas une norme chez les filles". "Si vous avez regardé les filles du Tour de France, elles ne sont pas toutes maigres, il y a plein de tailles différentes", a-elle commenté pour RMC Sport. "Tout le monde s'affûte un peu, se sèche un peu plus parce qu'il y a des montagnes à passer et que le rapport poids-puissance fait en sorte que. Mais ça ne veut pas dire qu'elles sont malades. Je trouve que chez les mecs, c'est plus dramatique, ils sont hyper maigres mais il y a une omerta, on n'en parle pas."

Par le passé, Marlen Reusser s'était positionnée auprès de l'UCI pour instaurer un seuil minimum de masse grasse. Sans succès. Ciblée dans cette affaire, Pauline Ferrand-Prévot assure qu'elle ne s'est pas pesée depuis la fin du Tour de France, mangeant ce qu'elle voulait. "C’est aux parents d’éduquer les enfants et de leur expliquer que nous sommes des professionnelles donc que c’est aussi notre travail d’être la meilleure possible", s'est encore défendue PFP lundi dernier. "Et on sait que les deux derniers jours (du Tour de France) étaient très difficiles et chaque kilogramme était important, donc il faut en tirer le plus possible."

Habituée à perdre du poids en vue de ses grands objectifs, comme elle l'avait fait pour les JO de Paris 2024 où elle a été titrée en VTT, Pauline Ferrand-Prévot est suivie dans sa démarche, réalisée "d'une manière intelligente. "On a un nutritionniste, on a toute l’équipe avec nous, on a des chefs", a confié la Française. "C’est aussi notre travail d’être dans la meilleure forme possible pour ce jour. Et je pense vraiment que chacun peut penser ce qu’il veut et dire ce qu’il veut publiquement. Mais pour moi, je ne me sens pas malade, je me prépare juste pour la plus grande course de mon calendrier et je me prépare du mieux possible."

Pauline Ferrand-Prévot ne se sent pas visée personnellement dans cette affaire et ne s'estime pas non plus comme un bouc-émissaire. "Je pense aussi que c’est bien que les gens puissent s’exprimer. Les réseaux sociaux, ça sert aussi à ça, que les gens puissent dire ce qu’ils ont à dire", a signifié la Française. "Et parfois ça ne plaît pas toujours mais ça fait aussi partie des choses qu’il faut accepter. Mais c’est comme partout, tout ne peut pas être tout beau et tout rose. Je reste ouverte sur le sujet et c’est bien d’avoir des prises de parole et que certaines filles permettent de tirer la sonnette d’alarme."

GL