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TOUT COMPRENDRE - C'est quoi une infiltration, ce traitement utilisé par Nadal?

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Les injections utilisées par Rafael Nadal pendant le tournoi de Roland-Garros ont soulevé un certain nombre de questions. Mais l'Espagnol est loin d'être le seul sportif de haut niveau à avoir eu recours aux infiltrations, un procédé très répandu.

Qu’est-ce qu’une "infiltration" et à quoi sert-elle? 

Elles ont fait irruption dans le débat cette semaine, depuis que Rafael Nadal s’en est ouvert aux médias, et donc par extension au grand public, avec la plus grande transparence. Souffrant du syndrome Muller-Weiss, une maladie dégénérative et incurable se caractérisant par l’ostéonécrose de l’os naviculaire, l’Espagnol a eu recours à ces injections durant la quinzaine du tournoi afin de pouvoir jouer et défendre ses chances sur le court face aux meilleurs. Qu’entend-on par infiltration ? Il s’agit d’injecter, soit dans une articulation soit dans une zone proche (tendons, muscles, ligaments...), un anti-inflammatoire à base de cortisone qui agit à la fois sur la douleur et sur l’inflammation sur une durée plus ou moins longue.

"L’injection, elle, va calmer une douleur articulaire, mais on ne touche pas à la maladie de l’os, renseigne le docteur Jean-Baptiste Courroy, médecin en traumatologie du sport à l’institut Nollet à Paris, à propos du cas Nadal. Dans l'injection, vous pouvez mettre un anti-inflammatoire, qui va calmer la douleur. Vous pouvez aussi choisir un anesthésiant, qui va durer plus ou moins longtemps. Mais en médecine, le terme "infiltration" ne veut rien dire. On parle d’injection, de quel produit, à quel endroit, avec quelle dose et à quelle fréquence ? La plupart du temps, on injecte des corticoïdes, des anti-inflammatoires, qui sont administrés la veille au soir, mais qui n’ont aucun effet anesthésiant."

Rafael Nadal a bien expliqué avoir reçu des infiltrations de produit anesthésique durant le tournoi, sans doute de la xylocaïne selon le quotidien L’Equipe.

L’infiltration est-elle prohibée? 

Utilisable pour lutter contre les douleurs, les corticoïdes sont prohibés en période de compétition depuis le 1er janvier. Un sportif pourrait toutefois utiliser en compétition des corticoïdes, éventuellement en injection, s'il disposait d'une Autorisation à Usage Thérapeutique (AUT). Sauf qu’on ne les donne pas pour permettre aux sportifs de pratiquer de nouveau leur sport, "mais pour revenir à un niveau de santé normal", rappelle à l’AFP le Dr François Lhuissier, président de la Société Française de Médecine de l'Exercice et du Sport (SFMES). 

En revanche, les produits anesthésiants ne sont pas interdits par le Code mondial antidopage de l'Agence mondiale antidopage (AMA). "L'utilisation d'anesthésiants est une pratique devenue sûrement plus fréquente depuis cette année puisque c'est tout ce qu'il reste de possible pour limiter une douleur de façon locale", commente le docteur François Lhuissier. 

Si la réglementation antidopage est identique dans tous les sports, la Fédération internationale de cyclisme a fait le choix d’appliquer la politique du "no needle". Autrement dit, pas de piqûre, d’aucune sorte. Et ce, depuis une dizaine d’années. Résultat, pas de produits injectés en compétition, sauf si une urgence médicale le rend obligatoire. 

Sont-elles fréquentes dans le sport de haut niveau? 

"Dans le football, les infiltrations sont très répandues", assure à l'AFP d'un point de vue général le docteur Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport, qui tient un blog (dopagedemondenard.com). En athlétisme, "ce ne sont pas du tout des pratiques courantes, en tout cas en France", indique à l'AFP le Dr Antoine Bruneau médecin des équipes de France à la fédération française.

Quelles conséquences pour la santé?

Le drame de l’ancien Parisien Bruno Rodriguez, amputé d’une jambe en raison de douleurs qu'il attribue aux infiltrations qu'il aurait subies dans sa carrière, est venu rappeler que chaque injection est un acte de gravité médicale certaine, que l'acte médical n’est jamais bénin. "Oui, ce n'est pas anodin, alerte Marie-Aude Munoz, chirurgienne orthopédiste, spécialisée dans le pied et la cheville à Montpellier, interrogée par France Info. Il y a le risque que le produit abîme les nerfs de la zone concernée. Dans le pire des cas, il peut y avoir des lésions partielles, c'est-à-dire que le nerf va retrouver la sensibilité, mais comme il a été abîmé, cela va créer encore plus de douleur."

L'administration d’un anesthésique est sans limite "car elle est purement locale, il n'y a pas de diffusion dans le système sanguin", affirme de son côté Olivier Rouillon au quotidien L’Equipe. "L'injection d'anesthésiques n'aura pas de conséquences sur sa santé, confirme M. Luissier, interrogé par l’AFP. En revanche le fait d'être anesthésié fait qu'on sent moins son pied et ses appuis, donc ça augmente le risque de subir une entorse." "La douleur est un signal d'alarme naturel du corps humain", rappelle de son côté le Dr Antoine Bruneau. Je me demande s'il est bénéfique d'anesthésier pendant une compétition en privant un sportif de sensation…”

Les sportifs de haut niveau acceptent des infiltrations pour calmer la douleur et exercer leur métier. "A priori, il n'y a pas de risque de réitérer ces injections à part que, comme son pied est endormi, les appuis qu'il a sont un peu moins performants et il aurait pu se blesser en se faisant une entorse, insiste François Lhuissier, cette fois-ci pour France Info. Mais les injections ne représentent pas de risque. C'est le sportif qui décide avec son médecin et prend la meilleure décision pour lui-même."

QM