L’OM tourne la page Louis-Dreyfus, sans regret

Louis Acariès et Robert Louis-Dreyfus - AFP
Décembre 1996, octobre 2016. L’Olympique de Marseille accueille Metz en clôture de la 9e journée de Ligue 1, ce dimanche. Ce sera la dernière fois que les Phocéens joueront avec un membre de la famille Louis-Dreyfus en tant qu’actionnaire principal. Margarita Louis-Dreyfus cédera officiellement le club ce lundi à Frank McCourt et ne conservera que 5% du capital. Une passation qui referme presque 20 ans d’une histoire contrariée à la tête de l’OM.
A lire aussi >>> OM - McCourt : « Nous arriverons à être numéro 1 »
Un palmarès très mince
Rien. Ou presque rien. Entre sa prise de fonction le 14 décembre 1996 et son décès le 4 juillet 2009 des suites d’une leucémie, Robert Louis-Dreyfus n’a quasiment jamais vu son équipe remplir son armoire à trophées. Seule maigre embellie : la coupe Intertoto 2005. Dans le même laps de temps, les Ciel et Blanc ont perdu deux finales de Coupe de l’UEFA (1999 et 2004), deux finales de Coupe de France (2006 et 2007) et ils ont terminé trois fois deuxièmes en championnat (1999, 2007 et 2009).
Après la disparition de son époux, Margarita Louis-Dreyfus a connu un peu plus de succès. L’OM a signé le doublé Coupe de la Ligue-Ligue 1 en 2010. Ces deux trophées furent les premiers depuis la Ligue des champions 1993 et le titre de Division 2 (actuelle Ligue 2) acquis en 1995. Marseille s’imposa à nouveau en Coupe de la Ligue en 2011 et 2012. Au final, les comptes sont durs : cela fait cinq trophées en 20 ans pour les Louis-Dreyfus. Bien loin des ambitions de RLD, qui voulait faire de Marseille le « Bayern Munich du Sud ».
Une instabilité chronique
De Gérard Gili à Franck Passi, 24 entraîneurs et tandems d’entraîneurs se sont succédés sur le banc. Certains ont assuré de courts intérims, comme Zoran Vujovic qui officia pendant une rencontre fin 2001. D’autres coachs « maison » ont joué les pompiers à plusieurs reprises (Albert Emon et José Anigo notamment). L’OM testa de glorieux anciens (Josip Skoblar, Didier Deschamps), des entraîneurs étrangers (les Espagnols Javier Clemente et Michel, le Brésilien Abel Braga, le Belge Eric Gerets…), s'amouracha d'un "fou" (l’Argentin Marcelo Bielsa), rata un pari (Philippe Troussier) et plaça des habitués de la Ligue 1 (Rolland Courbis, Elie Baup)…
Didier Deschamps reste comme celui qui a tenu le plus longtemps (2009-2012) et comme celui qui fit à nouveau gagner l’OM. Côté présidence, les hommes ont aussi défilé : Robert Louis-Dreyfus pour commencer, puis Yves Marchand, RLD à nouveau, Christophe Bouchet ensuite, puis Pape Diouf, Jean-Claude Dassier, Vincent Labrune et Giovanni Ciccolunghi. Une instabilité qui s’est traduite en championnat. Marseille est ainsi passé de la 2e place en 1999 à la lutte pour le maintien pendant deux ans, puis du ventre mou à cinq saisons consécutives sur le podium (2006-2011). Sans oublier l’épisode rocambolesque Jack Kachkar, l’homme d’affaires canadien qui tenta de racheter le club en 2007 et qui fut condamné plus tard pour escroquerie.
Un trou à combler régulièrement
Il a souvent été critiqué, mais Robert Louis-Dreyfus a au moins eu le mérite de sauver un club au bord de la faillite en 1996. Selon les estimations, la famille Louis-Dreyfus a investi près de 200 millions d’euros pour garder l’OM à flot et tenter d’en faire une place forte au niveau européen. Malgré cela, les résultats n’ont pas suivi et l’ex-patron d’Adidas, lassé, a fini par fermer le robinet. Bien des passages devant la DNCG, le gendarme financier du foot français, ont été tendus. Régulièrement déficitaire, le club marseillais est entré dans une phase de régime sec à partir de 2015, Vincent Labrune étant chargé d'assainir au maximum les comptes pour faciliter la cession. Quitte à appauvrir en talents une équipe aujourd’hui limitée et en souffrance en championnat cet automne.
Une rupture avec les supporters
Le spectacle du Stade Vélodrome depuis le début de cette saison 2016-2017 traduit bien l’état des relations entre les fans et leur club fétiche. Ils sont 17 500 abonnés cette année, un chiffre exceptionnellement bas. L’écrin marseillais était à moitié vide lors du match contre Lyon (0-0) mi-septembre. La disette sportive explique en partie ce désamour.
Depuis 20 ans, les rapports entre les supporters et la direction ont souvent été conflictuels. Le Vélodrome a fréquemment crié son courroux contre Christophe Bouchet, Vincent Labrune et la famille Louis-Dreyfus notamment. La stratégie floue, le manque de moyens et les déboires sportifs ont fini par lasser les aficionados. Les banderoles hostiles aux dirigeants sont devenues habituelles, et les tensions ont atteint leur paroxysme la saison dernière. Le 10 avril dernier, face à Bordeaux, les supporters se moquaient de leurs joueurs sur une musique de Benny Hill avec des pancartes de chèvres dans les travées et des messages sulfureux contre Margarita Louis-Dreyfus : « Retourne à ton vrai métier, femme au foyer », « Riche héritière incompétente, casse-toi », « Mets les dollars »… Ils arrivent, les dollars. Dans les valises de Frank McCourt.