Pogacar sur Paris-Roubaix: mais que vaut le Slovène sur les pavés?

C’est désormais officiel: Tadej Pogacar participera à Paris-Roubaix pour la première fois de sa carrière le 13 avril prochain. Le Slovène a infusé l’idée d’y prendre part depuis son apparition surprise sur la Trouée d’Arenberg en février à l’entraînement. Son retrait de la liste des participants de l’E3 et de Gand-Wevelgem ce week-end ne laissait plus trop de place au doute sur ses intentions. Elles ont été officialisées ce mercredi par son équipe, pourtant réfractaire à l’idée de le voir au départ de Compiègne dès cette année.
"Oui j’ai fait une reconnaissance pour Paris-Roubaix, et je dois dire que cela a attiré mon attention. Peut-être que dans un futur proche oui, il y a une grande chance que j’en prenne le départ", confiait le coureur début mars sur RMC dans Bartoli Time. La réalisation de ce projet n'aura pas tardé.
En vue sur les pavés du Tour en 2022, devant Van der Poel sur le Tour des Flandres 2023
Invité du podcast Grand Plateau sur RMC lundi, Mauro Gianetti, patron de la formation UAE-Team Emirates, avait renouvelé ses craintes de voir sa star sur les pavés nordistes. "Paris-Roubaix, c'est plus dangereux que les autres courses", a lancé l’Italien.
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Malgré son scepticisme, il avait aussi rappelé les bonnes dispositions de son poulain sur les pavés du Nord lors de la 5e étape du Tour de France 2022, qui avait emprunté 20 kilomètres de secteurs pavés, mais pas la mythique Trouée d’Arenberg. "Il a les capacités, on l'a vu sur le Tour de France, il a été très à l'aise sur l'étape des pavés", souligne Jérôme Pineau, ancien cycliste désormais consultant pour RMC Sport. "Tadej aime à chaque fois se remettre en question et se bagarrer avec d'autres champions comme Van der Poel, Van Aert, Philipsen ou Vingegaard sur le Tour... Il est doué, il peut être un protagoniste partout, parce qu'on l'a vu sur les pavés dans l'étape du Tour de 2022, il était dans le coup. Donc il peut être là-bas, il peut être un protagoniste", avait-il souligné.
"Je ne comprends pas tous ceux qui disent qu’il faut être lourd pour gagner Paris-Roubaix", prévient Bernard Hinault
Cette année-là, il avait profité de l’incroyable flottement de la formation Visma pour glaner 14 secondes sur Jonas Vingegaard à l’arrivée après avoir attaqué fort dans le final. Mais l’étape était plus courte que Paris-Roubaix (100 kilomètres en moins). Battu sur Milan-San Remo (3e) par Mathieu Van der Poel et Filippo Ganna dimanche, le Slovène retrouvera le Néerlandais, grand favori à sa succession après avoir remporté les deux dernières éditions. Et il ne partira pas avec la faveur des pronostics sur un terrain de jeu dont il est moins familier.
En 2023, "Pogi" avait échoué derrière Wout Van Aert et Mathieu van der Poel sur les pavés de l’E3 Saxo Bank. Il avait pris sa revanche quelques semaines plus tard sur ceux du Tour des Flandres en remportant le Monument belge devant Van der Poel. Mais la course, avec son dénivelé plus imposant, correspond mieux à ses qualités de grimpeur que le plat de Paris-Roubaix où ses kilos en moins (plus léger d’une dizaine de kilos par rapport à Van der Poel) sont souvent présentés comme un handicap.
Une analyse balayée par Bernard Hinault, quintuple vainqueur du Tour de France et victorieux sur Paris-Roubaix en 1981. "Il a les moyens de gêner van der Poel", prédit le Blaireau à Ouest-France. "J’adore Tadej Pogacar parce qu’il n’a peur de rien, il aime les classiques. Je ne comprends pas tous ceux qui disent qu’il faut être lourd pour gagner Paris-Roubaix. Moi je n’étais pas lourd et j’ai gagné, il suffit d’être adroit sur le vélo pour être à l’aise sur les pavés."
"Cette course risque de le rendre encore plus grand"
Thierry Gouvenou, patron de la course, salive, lui, de cet énorme duel à venir. "Si van der Poel est au summum de son art, ce sera très difficile pour Pogacar mais avec les circonstances de course...", prédit Thierry Gouvenou. Le patron de l’Enfer du Nord est très bien placé pour savoir que le facteur-chance joue un rôle déterminant pour la victoire finale sur un tracé sujet aux chutes et autres crevaisons.
L’adage dit ainsi que le plus fort s’impose sur le Tour de Flandres, mais pas forcément sur Paris-Roubaix où le pilotage et l’art d’éviter les pièges prennent une grande part. "C'est une course qui sacre les coureurs les plus résistants et les plus forts", prévise Pineau. "Et à ce petit jeu-là Tadej Pogacar est souvent le plus fort." "Il fera partie des grands favoris mais ce n'est pas gagné d’avance", ajoute Gouvenou. C'est un vrai défi pour lui, à la hauteur de son talent. Ça ne va pas se faire dans la facilité. S’il vient à gagner cette épreuve un jour, ce sera dans la difficulté. Et c’est ce qu'attendent tous les spectateurs et les téléspectateurs de voir les champions en difficulté. Cette course-là risque de le rendre encore plus grand."