RMC Sport

Macron cul-sec dans le vestiaire de Toulouse, Grealish ivre mort à Manchester...est-ce que le sport a un problème avec l'alcool pendant les célébrations?

placeholder video
Emmanuel Macron a suscité beaucoup de réactions et de critiques après avoir bu une bière cul-sec dans le vestiaire du Stade Toulousain après la finale de Top 14. A l'image du président de la République ou récemment de Jack Grealish avec Manchester City, l'alcool a tenu une place de choix pendant les récentes festivités de sportifs.

Sifflé par une partie du public avant la finale de Top 14 remporté par Toulouse contre La Rochelle (29-26), Emmanuel Macron ensuite rendu visite aux vainqueurs dans leur vestiaire. Sous les encouragements des rugbymen, le président de la République a descendu une bière cul-sec.

La séquence, en apparence ordinaire dans un vestiaire après un titre, a finalement provoqué un énorme tollé après des critiques de l’opposition. A la "frime" dénoncée par l’élu RN Gilbert Collard qui a regretté cette mise en scène du chef de l’Etat devant les caméras, la députée NUPES Sandrine Rousseau y a vu une preuve de "masculinité toxique dans le leadership politique".

>> Revivez la finale Toulouse-La Rochelle (29-26)

Au-delà des batailles politiques engendrées par cette polémique, cette séquence met aussi en lumière l’importance de l’alcool dans les célébrations sportives.

"C’est aussi choquant qu’un peu ridicule. On est d’accord que c’est une valorisation de l’image et du côté festif. Tout a été dit, a regretté William Lowenstein, médecin et président de SOS Addictions, ce lundi au micro de BFMTV. On ne peut pas à la fois regretter les 41 000 morts par an, les violences conjugales ou intrafamiliales, les accidents sur la route, la première cause d’hospitalisation et faire cela devant les caméras. C’est maladroit."

Une tradition festive et alcoolisée du sport

Une bière dans un vestiaire de rugby, c’est tout sauf une surprise. Surtout quand on sait que pendant plusieurs années, la principale compétition européenne se nommait la Heineken Cup partout en Europe alors qu’en France, loi Evin oblige, elle se nommait la H Cup.

Encore aujourd’hui, le principal sponsor de la Champions Cup s’affiche sans complexe sur les réseaux sociaux et il n’est pas rare de voir les joueurs une bière à la main après un match. La suite logique d’une tradition sportive où l’on célèbre les victoires avec une bouteille à la main.

Il n’est pas rare de voir certaines équipes célébrer leurs victoires avec des douches à la bière ou au champagne. Dans un certain nombre de sport US, en NBA ou même après le sacre des Américaines lors du Mondial en France.

Idem après chaque course de Formule 1 avec la traditionnelle remise des trophées accompagnée d’un jéroboam (entre trois et cinq litres) de champagne ou de vin pétillant. Preuve de cette tradition entrée dans les mœurs du sport, certains sportifs (notamment aux Etats-Unis) ont pris l’habitude de porter de lunettes de ski pour éviter de prendre des bouchons dans l’œil.

Grealish pendant les festivités de City, amusant autant qu’inquiétant?

Avant même de voir Emmanuel Macron descendre une bière dans le vestiaire du Stade Toulousain après la finale de Top 14, un autre moment de sport a été accompagné d’une grosse exposition de l’alcool: le triplé de Manchester City et les festivités embrumées de Jack Grealish.

Vainqueur d’un fantastique triplé avec les Skyblues (Ligue des champions, Premier League et FA Cup), l’ailier anglais s’est ensuite fait remarqué pendant la fiesta.

Aperçu une bière à la main dans le vestiaire après la finale de Ligue des champions, le joueur de 27 ans n’a presque pas cessé de boire pendant les jours qui ont suivi.

Parti faire la fête à Ibiza avant de rentrer à Manchester pour une parade où Kalvin Phillips lui a même versé de la vodka dans le gosier sous le vivats de la foule, Jack Grealish a symbolisé à la fois le côté festif de l’alcool et ses ravages.

Drôle, amusant et totalement nature dans sa joie après une saison de sacrifices pour rester au top niveau, l’Anglais est aussi apparu dans un état plus que limite lorsqu’il a eu du mal à marcher ou qu’il a eu besoin d’un fauteuil roulant pour se déplacer. Pendant ses journées de beuveries, Jack Grealish a aussi bien bu des alcools légers que des alcools forts.

"Tous se finissent dans les molécules. Après c’est un peu la vitesse d’absorption et la force de l’alcool qui interviennent, a encore rappelé William Lowenstein ce lundi. C’est un peu comme la différence entre un snif et une voie injectable. Mais au bout du compte cela reste la substance psychoactive dont il ne faut pas abuser."

"C’est quand même puéril", une mise en valeur inquiétante du binge-drinking

Le fait de boire une bière après un match ou celui de célébrer une victoire avec du champagne ne constituent pas en soi un problème majeur. Mais c’est dans la promotion de l’alcool et cette ritualisation du fait de boire que cela pose des questions. Regardé par des millions de personnes, y compris des jeunes, les sportifs montrent ainsi un mauvais exemple (si l’on cherche à ajouter un caractère moral au sport) auprès de leurs fans. Emmanuel Macron, en descendant une bière cul-sec dans le vestiaire du Stade Toulousain a lui aussi contribué à mettre en valeur le phénomène de binge drinking.

"Cela ne nous a pas vraiment surpris car il a l’habitude de faire une promotion insidieuse de l’alcool, a aussi pesté Bernard Basset, Président de l’association Addictions France, au micro de BFMTV ce lundi Il associe le sport et la consommation d’alcool, la fête et la consommation d’alcool dans une situation d’émulation virile où l’on boit tous un peu beaucoup."

De plus en plus courant chez les jeunes en France, ce phénomène de binge drinking promeut une alcoolisation ponctuelle très importante. Une consommation qui peut avoir des effets négatifs dès la première fois.

"Il faut apprendre à dire non, c’est comme dans la cour d’école avec les cap' ou pas cap'. Cela peut se faire mais, encore une fois, pas devant les caméras. Il y a un peu le côté concours de bit** et cul-sec. Voilà c’est quand même puéril, a finalement lâché William Lowenstein au sujet de la vidéo d’Emmanuel Macron avec les joueurs toulousains. Je veux bien qu’il y ait un côté sympa, j’adore le sport. Je regardais sur Twitter parmi beaucoup de réactions, il y avait la réflexion 'Macron qui s’envoie une Corona, c’est le rugby que l’on aime'. Et bien non, le rugby que l’on aime c’est les 15 rucks à la fin, les 17 passes, la percée lumineuse de Romain Ntamack et pas un truc cul-sec comme si on était en salle de garde."

Et l’addictologue de rappeler que sport et addictions sont étroitement liés ; habitués à vivre à 100% leur pratique sportive, les athlètes de haut-niveau compensent parfois avec l’alcool (ou pire) au moment de leur retraite: "On a des soucis avec les sportifs de haut-niveau qui sont aussi des addicts de haut-niveau assez souvent dans leur reconversion sportive. De tous les côtés je trouve cela très maladroit. Après on peut avoir toutes les discussions, y compris sur l’idée qu’il ne suffit pas de taper sans arrêt sur les substances psychoactives, une société sans drogue cela n’existe pas. Mais pour être un bon vivant, si on pouvait apprendre à rester vivant et à ne pas tuer les autres sur la route. C’est vrai que notre président a un chauffeur mais ce n’est pas le cas de tous les jeunes."

Jean-Guy Lebreton